2016 – 03 : Steven Wilson 4 1/2

2016 - Steven Wilson 4 12

Sortie d’un demi album de Steven Wilson car composé à partir de morceaux non retenus sur ses deux précédents albums. La magie opère avec un très bel objet et des versions alternatives uniquement instrumentales.

Réminiscences de Porcupine Tree avec une nouvelle version de “Don’t Hate me” et un riff de “Time Flies” dans “My book of regrets”.

En outre malgré une production homogène il est difficile de ne pas faire des comparaison entre les deux batteurs Marco Minemann vs Craig Bundel voir même avec Gavin Harrison, les deux guitaristes Guthrie Gowan vs Dave Kilminster et Steven Wilson vs Porcupine Tree.

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2005 – Herrmann Joy in the Morning (1965)

  • Difficultés personnelles pour Herrmann

La BO de Joy In the morning est une heureuse surprise de collectionneur. Cette BO méconnue arrive après Marnie et préfigure pour Herrmann une période difficile sur le plan personnel avec un divorce et la rupture artistique et amicale avec Hitchcock. Pourtant cette BO enregistrée pendant les vacances (Recording Date June 12, 1964 – September 25, 1964) est sur le plan musical une réminiscence de ses travaux avec Hitchcock sur Marnie avec une pointe de joie (d’ou le titre de la BO).

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2001 – 06 : Herrmann The 3 worlds of gulliver

  • Réenregistrement :

En mai 2001, la parution de ce réenregistrement d’une partition écrite en 1960 juste après après Psycho est la continuité d’une longue série de réenregistrement du label Varese Sarabande. Pochette luxueuse et enregistrement soignée d’une musique d’Herrmann qui est assez joyeuse et légère donc très  différente de Psycho mais assez assez répétitive. Le film quand à lui a beaucoup vieilli en partie à cause des effets spéciaux et une piteuse direction d’acteurs.

  • Vol

Le cd original trainait dans la voiture pour lui donner l’occasion d’une écoute fréquente sans doute pour redécouvrir des thèmes peu connu. Un samedi matin en prenant la voiture pour aller faire des courses au marché (célèbre pour sa qualité malgré des prix assez importants) je découvrais avec surprise que  le coffre avait été ouvert et le sac de volley contenant affaires et licences avait été dérobé. Le cd lui n’avait pas tenté les voleurs. Ce disque de collectionneur qui avait de la valeur sentimentale n’avait aucune valeur marchande. Assez rapidement j’ai retrouvé le contenu sac qui avait séjourné dans une poubelle. Une dame l’avait confié à la gendarmerie du coin. J’ai retrouvé une chemise rouge vin, les licences les papiers. Seuls les chaussures et le sac avaient disparues. Heureusement que le volley ball et Bernard Herrmann ne sont pas populaires.

2015 – 08 – La musique de Vertigo (1958) de Bernard Herrmann

  • 1983 : déclencheur de passion pour le cinéma

Inutile de dire que le film de Hitchcock Vertigo (1958) a été l’un des déclencheurs de ma passion pour le cinéma : de la réalisation en passant par l’histoire, l’interprétation et la musique, tout a contribué à faire de ce film un classique et un chef d’œuvre. En 1983, lors de la ressortie du film, tout m’a plu dans « Vertigo », le film (qui m’a fait aimer le cinéma), le titre (mystérieux tout autant que le livre dont il est tiré “d’entre les morts” de Boileau et Narcejac), les thèmes que véhiculent l’histoire (romantisme, amour obsessionnel et impossible, mystère, fantômes), James Stewart et Kim Novak (très différents en terme d’expérience et d’age – 25 ans d’écart –  mais très crédibles à l’écran), les plans (les visages, les décors), les images (colorées et floutées comme dans un rêve), l’histoire (un ancien policier à la poursuite d’un fantôme) mais aussi et surtout la musique (qui années après années reste égale et l’un des joyaux du film).

  • 1958 : Hitchcock “offre” à Herrmann un film très visuel et peu de dialogues

En 1958 Herrmann et Hitchcock étaient tous les deux à l’apogée de leur collaboration (qui dura encore quelques années jusqu’en 1966). Hitchcock a offert avec Vertigo à Herrmann un film avec de longues scènes sans dialogues où la musique serait au premier plan. Et en retour Herrmann lui a fourni l’une de ses musiques les plus romantiques, riches et douces, l’une de ses plus belles. Curieusement, Herrmann ne put enregistrer la BO originale de Vertigo qui fut confiée en Angleterre à Muir Mathieson pour des raisons de grève des musiciens à Hollywood.

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2015 – 06 – 08 : Lien vers Interview de Steven Wilson

Interview très intéressante avec Steven Wilson début 2015.

http://www.leseternels.net/interviews.aspx?id=450
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Silverbard : Quel est ton regard, dix ans en arrière, de la période In Absentia / Deadwing, ainsi que de la collaboration avec Opeth et de toutes les influences metal qui venaient pour la première fois s’immiscer dans Porcupine Tree ?

Steven : Hum… (avec un accent anglais intranscriptible par écrit) Je regarde cette période avec beaucoup de fierté. C’était vraiment la rencontre de deux mondes. Comme tu le sais bien, Opeth vient d’un milieu death metal et metal extrême, alors que je viens de mon côté de la musique psychédélique et progressive et de l’art rock. Et je me suis intéressé au metal au même moment que Mike s’est davantage intéressé à des formes plus calmes de musique. Donc c’était une rencontre très spéciale d’esprits et d’expériences. Et je pense que tout cela a créé une scène qui est devenue influente sur une longue période de temps. Hum… Il y a beaucoup de groupes qui ont essayé d’imiter ce style. Au début – mais ça n’a pas duré longtemps – c’était juste Porcupine Tree et Opeth. Mais vers 2007-2008, il y a eu de plus en plus de groupes qui ont commencé à sonner pareil. Et à ce moment là, je me suis dit que je ne voulais plus faire ça. Car je pense que quand des groupes commencent à imiter ce que tu fais, il est temps de faire autre chose. Et Mike a ressenti exactement la même chose. Ses fans de la première heure ont souvent du mal à comprendre pourquoi il a retourné sa veste vis-à-vis du metal extrême, et je pense que c’est la raison principale : quand tu entends des groupes te copier jusqu’à devenir la référence d’un propre genre, si tu es un vrai artiste, il est temps de changer. Mais pour revenir à la question initiale, je reste très fier de ces albums, In Absentia en particulier qui est pour moi une grande prouesse artistique personnelle.

Silverbard : Continuons justement sur Opeth quelques instants. Que penses-tu de leur dernier album, Pale Communion, sachant que tu intervenu sur la dernier piste en invité ?

Steven : Brillant ! C’est un album brillant ! Il y a très peu de musiciens actuellement qui peuvent encore me faire tomber autant sous leur charme. Le truc est que quand je suis jaloux d’un morceau, je sais que c’est bon ! Et la première fois que j’ai écouté ce titre “Faith In Others”, j’ai dit à Mikael : « putain, je suis tellement jaloux de cette chanson ! » (rires) C’est réciproque d’ailleurs, s’il est jaloux d’une compo à moi, je sais que c’est un très grand compliment. Le plus grand compliment en effet qu’on puisse recevoir est d’impressionner ses pairs, quelqu’un que tu portes en haute estime, ce qui est évidemment le cas pour Mike. Cette chanson “Faith In Others” est vraiment particulièrement excellente, ses vocaux sur cette chanson montrent en quoi il est un véritable artiste. Parce qu’il n’y a proprement rien qui vienne de la scène metal dedans et rien qui puisse sonner aussi juste.

Silverbard : Ce fut une collaboration à nouveau car tu as participé au mixage de album. A ce titre, comme nous commençons une nouvelle année, quelle rétrospective as-tu de l’année 2014 entre la composition de ton nouvel album, la tournée européenne de Blackfield, les nouveaux remixes, en particulier ceux de Yes… ?

Steven : En vérité, la majeure partie de l’année 2014 a été consacrée à la composition de ce nouvel album à paraître. J’ai composé, enregistré, arrangé, fait des démos, répété, produit, mixé, masterisé… Donc toutes les choses que tu as mentionné ont été faites en complément au milieu de ce gros projet. Mon souvenir global de 2014 est la création de ce grand concept pour cet album et l’écriture de la musique mêlée aux idées visuelles qui se retrouvent dans l’artwork. Ça a été intense. J’ai vécu et respiré cet album et ce personnage que j’ai créé pour l’album. Le mixage de l’album d’Opeth et les autres remixes ont été au final des activités de repos, presque des vacances comparé à Hand. Cannot. Erase. ! Et je pense que les gens ne sont pas forcément au courant de cela parce qu’ils ne savaient pas que je travaillais sur ce nouvel album. Il ne l’ont appris que très récemment. L’année 2014 a été vraiment très intense mais gratifiante, car je suis très fier du résultat !

Silverbard : Petit aparté, comme nous parlions de mixage et mastering à l’instant. J’ai une question au sujet des albums In Absentia et Deadwing qui sont sortis pendant la période « Loudness War ». Il y a un DVD A en 5.1 mais aucun autre mix stéréo que la version de l’album qui est fortement compressée. Est-ce que tu penses avoir l’occasion de les retravailler ?

Steven : Je n’aime pas ce qui a été fait et je veux remastériser ces albums. Mais malheureusement, je ne les possède pas, ils appartiennent à Warner Bros. Et tant qu’ils ne voudront pas faire de réédition ou me léguer les droits pour que je puisse les racheter, je n’ai aucun moyen d’action. Ils n’ont pas été mal masterisés, le travail a été bien fait, mais ils sont sortis à une période où tout devait être aussi fort que possible. Et ce n’est pas agréable d’écouter des albums qui sonnent fort comme ça tout le temps. Donc oui, j’adorerais remastériser ces albums, espérons que ça se produira un jour.

Silverbard : Pour continuer sur ce point, j’ai entendu que pour l’album Fear Of Blank Planet, tu as d’abord donné les mixes à l’ingénieur chargé du mastering, mais une fois le master reçu, tu n’as pas été satisfait du travail fait et tu as remastérisé l’ensemble après coup.

Steven : C’est tout à fait vrai. Je l’ai fait par moi-même. C’est la première fois que ça m’arrivait et je suis sûr que je ne l’ai pas très bien fait. Mais au moins, j’étais capable de garder bien plus de dynamiques dans la musique. C’est un moment dans la musique où j’ai compris que je ne voulais plus que des personnes extérieures viennent tripoter mes mixes, les compresser, etc… Le problème est que pour beaucoup de gens, le mastering se résume à monter le volume, compresser et alourdir les aigus et les basses. Ce n’est pas très musical tu sais… Surtout pour mon style de musique. Ça pourrait être bien si tu es Rage Against The Machine, okay. Faire un album qui sonne fort et punchy tout le temps. Mais pas pour mes compositions qui sont très dynamiques… Et progressivement au cours des dernières années, j’ai essayé de convaincre de plus en plus de gens de publier des albums sans mastering. Le nouvel album d’Opeth a été réalisé sans aucun mastering. Ça s’appelle un « flat transfert ». Et les gens l’aiment, les gens adorent le son. La chose que je n’ai jamais entendu dire de personne à propos de tous ces albums est : « C’est un très bon album mais il aurait été meilleur masterisé ». Je n’ai jamais entendu quelqu’un dire cela ! (rires) Je pense que c’est juste un mythe de vouloir masteriser ses albums, du moins dans le style que j’exerce.

Silverbard : Quelle est ta philosophie pour tes dernières parutions, quels sont tes choix concernant le mastering ?

Steven : Il n’y en a pas. Je mixe les titres et ils sont transférés tels quels sur le CD ou le vinyle. Je fais cela pour tous mes albums depuis au moins quatre ou cinq ans.

Silverbard : Parlons à présent du nouvel album, qui parle de la tragédie réelle d’une femme qui est décédée seule dans son studio et dont le corps est resté non découvert pendant deux ans. Pour te citer, tu as dit que « l’histoire semble si symptomatique du monde moderne, de l’idée que dans une ère de réseaux sociaux, on est entouré de millions de gens, mais que de l’autre côté du mur, on est complètement isolé ». Pourquoi penses-tu que c’est une tragédie révélatrice de notre époque et quelles causes pourraient expliquer cela ? L’ignorance réciproque des gens ?

Steven : Dans le monde moderne dans lequel nous vivons, la vitesse de notre rythme de vie nous dépasse et nous avons une vision confuse de la vie. Nous sommes submergés en permanence par la technologie, le monde est de plus en plus surpeuplé et stressant. Je pense qu’il y a de ce fait une tendance croissante chez les gens de ne pas vraiment s’aventurer hors de leur chambre. Regarde les jeunes générations maintenant qui interfère très bien par le biais d’un ordinateur. Je peux parler avec mes amis par emails, Skype, Facebook… Je n’ai pas besoin d’aller dehors, je n’ai pas besoin d’aller dans un bar, je n’ai pas besoin d’aller à un spectacle, je n’ai pas besoin d’aller à une soirée… Je n’ai besoin de rien de tout ce bordel ! Je peux avoir de la pornographie sur mon ordinateur, je peux avoir de la musique sur mon ordinateur, je peux parler à mes potes sur mon ordinateur, pourquoi aurais-je besoin de sortir de chez moi ? Je pense que chacun peut un peu se retrouver là-dedans. Quiconque sur Terre a déjà été confronté à cette situation : pourquoi ai-je été invité à cette soirée, à ce dîner, à ce spectacle ? Je crois que je vais rester chez moi et regarder la télé. Et ce sentiment, qui pourrait paraître assez joyeux et content, car nous pouvons tous comprendre ce sentiment – nous avons tous besoin de temps pour nous – masque une tendance croissante, particulièrement dans les grandes villes. Plus la ville est grande, mieux on disparaît. Nous voyons tous ça autour de nous à présent : plus il y a de gens, plus facile cela est d’être invisible. C’est une tendance croissante de nos jours – et je ne pense pas que ce soit une bonne – Internet l’augmente évidemment, la télévision également, alors que l’interaction humaine réelle devient de moins en moins présente, particulièrement chez les enfants. Je parle de la capacité de communiquer comme des être humains. J’ai vu des enfants récemment qui m’ont dit : « pourquoi ai-je besoin d’apprendre à écrire maintenant ? » Je peux taper sur mon clavier et ils ont raison, c’est vrai. Il n’y a plus de vraie raison aujourd’hui de savoir écrire avec un stylo et c’est très dur de débattre sur ce sujet. Mais c’est la même discussion que tu auras avec le même enfant qui te demandera : « pourquoi je dois payer pour écouter de la musique ? » C’est dur de lui expliquer et de bien justifier pourquoi il devrait avoir cette connexion avec cette œuvre d’art qu’il tiendrait dans ses mains… C’est comme s’il venait d’une autre planète.

Je suppose que je quand j’écris des chansons sur ce sujet, ce que j’essaie de faire est de tenir un miroir et de dire : « Ceci est ce que je vois. Te reconnais-tu dedans et crois-tu que c’est bien ? » Des gens pensent que oui ! Des gens pensent qu’Internet est formidable, qu’on n’a plus besoin de sortir dehors et d’être des humains ! Parfait, si c’est ce que tu penses ! (rires) Mais la plupart des gens qui regardent dans ce miroir sont d’accord avec moi – du moins jusqu’à un certain point – que ce n’est pas une bonne tendance et ce n’est pas ce que symbolise l’espèce humaine. Ce n’est pas l’isolation, la déconnexion… Mais je trouve que la ville du XXIème siècle devient un lieu où ceci est de plus en plus apparent, où de plus en plus de gens s’enferment et deviennent cinglés… C’est évidemment quelque chose qui me préoccupe et mes chansons parlent de ce qui m’inquiète. Je n’écris pas des chansons sur : « Hey ! La vie est géniale ! ». J’écris des chansons sur : « C’est la merde ». J’ai toujours été comme ça, j’ai toujours été plus attiré par les choses que je ne comprends pas, qui me tourmentent, qui sont négatives, plutôt que par les choses qui me rendent heureux. Quand je suis joyeux, je sors dehors et je promène mon chien ! Quand je suis agacé au sujet de quelque chose, c’est à ce moment que j’écris de la musique. Et ça devient presque comme de l’exorcisme de ces choses. Et cette histoire n’est pas différente. Cette histoire n’est pas sur Joyce Carol Vincent (NdlR : c’est le nom de la protagoniste suscitée), elle a été la base de la réflexion de ce problème et m’a permis de créer ce personnage, qui au final est moi. Les expériences et les idées qu’ont ce personnage sont les miennes. Et je peux comprendre. J’ai vécu à Londres pendant vingt ans. Pendant longtemps, je n’ai même pas connu le nom de mon voisin de palier, je ne savais pas ce qu’il faisait, et réciproquement. J’ai déménagé hors de la ville, seulement à 30km dans une petite bourgade, et en moins d’une semaine je connaissais le nom de tous les gens qui vivaient dans ma rue ! Je connaissais mon facteur, je connaissais la fille qui travaillait au comptoir de la boutique en face, je connaissais la police, je connaissais tout le monde ! C’est si étrange, car quand je vivais à Londres, je ne connaissais absolument personne ! Il y a vraiment quelque chose de très particulier au sujet de la métropole et… (s’interrompt) Mais désolé, c’est une très longue réponse ! (rires)

Silverbard : Non c’était très intéressant ! J’ai lu que ce documentaire qui t’as fait prendre connaissance de cette histoire, « Dreams Of A Life », tu l’as découvert pour la première fois en 2011.

Steven : Oui très récemment !

Silverbard : Quand as-tu pensé que ça deviendrait une source d’inspiration pour un album ?

Steven : Et bien, c’est assez simple car je n’y ai jamais pensé en fait… Jusqu’au jour où j’ai dû écrire de la musique nouvelle. Je pense que c’est toujours le cas chez moi. Je trouve quelque chose que j’ai vu, ou que j’ai lu, ou que j’ai vécu, qui est resté avec moi et qui a continué à me hanter pendant des semaines, des mois, voire plus… Et l’histoire de Joyce Carol Vincent en fait partie. J’ai vu le film et ça n’a pas fait « Bing-bong. CA VA ÊTRE LE CONCEPT DE MON PROCHAIN ALBUM !! » (NdlR : talent caché de Steven Wilson dans les imitations). Pas du tout. J’ai simplement vu le film, j’ai été très ému et affecté et je n’ai rien vu de plus à son sujet, à l’exception du fait que je continuais à y penser, à être hanté par celui-ci. Un an plus tard, j’ai commencé à écrire – pas à propos de Joyce Carol Vincent – mais d’un personnage qui vivait dans un HLM au cœur d’une mégalopole et qui ressentait ce sentiment croissant d’isolement et de confusion. Et c’est comme ça qu’a débuté le concept de l’album. Au fur et à mesure des mois, l’histoire est devenue de plus en plus complexe et s’est beaucoup éloignée de Joyce Carol Vincent en « science-fictionnisant » mon histoire. C’est devenu beaucoup plus que l’histoire originale, mais le germe initial était dans mon esprit depuis plus de deux ans ! Et il était toujours là, je ne parvenais pas à l’oublier, c’est ça le plus important.

Silverbard : Passons à présent à la musique, j’ai remarqué que l’album contient des couches électroniques sur plusieurs chansons, ce qui est assez nouveau d’une certaine façon. Pour moi, tu n’étais jusqu’à présent jamais allé aussi loin dans cette facette. J’ai lu les noms de Boards Of Canada ou Aphex Twin comme sources d’inspiration. Je ne suis pas étonné que tu aimes de tels groupes, considérant les atmosphères qu’ils développent. Ont-ils été une source particulière d’inspiration pour cet album ?

Steven : Oui, j’écoute ces gars depuis longtemps, mais je pense que tu as raison quand tu dis qu’ils ne se sont pas nécessairement manifestés si profondément dans un projet que cette fois-ci. Je pense qu’il y a deux raisons qui expliquent pourquoi maintenant. La première est que mon précédent album The Raven That Refused To Sing n’avait aucun élément électronique, c’était le parfait opposé. C’était un sorte d’album vintage sonnant seventies tout comme Opeth l’a fait. Et j’y vois une sorte de réponse à ce précédent album, car je déteste me répéter. Je voulais vraiment faire quelque chose de complètement différent. Et la chose évidente, quand tu veux faire l’opposé d’un album rock seventies, est d’apporter des éléments électroniques contemporains. Le deuxième point est que le concept de l’album est contemporain du XXIème siècle et porte sur la métropole. Donc directement, tu penses à une palette de sons électroniques, voire industriels. Parce que tu essaies avec cela d’apporter les sons de l’âge moderne de la ville. Ça prend donc du sens du point de vue conceptuel.

Silverbard : Comme composeur, quels sont les facteurs humains et musicaux qui te font travailler avec un musicien en particulier plutôt qu’un autre ? Comment est-ce que ces facteurs ont évolué depuis le début de ta carrière ?

Steven : Hum… C’est une question assez profonde ! (rires) Premièrement, ce qui m’attire quand je travaille avec un musicien en particulier est bien sûr le respect de son talent. Mais pour moi personnellement, c’est aussi d’avoir la capacité de me surprendre avec quelque chose auquel je n’aurais pas pensé par moi-même. Il y a certes beaucoup de musiciens qui peuvent me surprendre, mais pas forcément avec ce que je recherche… Mais si tu trouves un musicien, mais pas seulement un musicien car ça peut être également un collaborateur visuel par exemple, qui est un gars en qui je peux faire confiance pour faire des choses auxquelles je n’aurai jamais pu pensé seul, alors je vais l’adorer. Ces personnes sont très rares. Pas seulement pour moi, mais je pense pour chaque artiste. De trouver quelqu’un qui est assez proche de ta sensibilité artistique pour te dégoter une idée géniale mais qu’à la fois tu n’aurais pas pu trouver toi-même… J’ai passé beaucoup de temps à chercher de tels gens, mais je me sens vraiment chanceux de les avoir trouvé à présent. J’ai ce groupe de gens autour de moi qui sont premièrement des musiciens extraordinairement talentueux, mais ils ont surtout une forte affinité avec mon monde créatif. Je sais que leurs idées vont bien sonner et résonner avec les miennes. Et ça m’a pris vingt ans pour trouver ces artistes et musiciens. Ça vaut bien sûr pour les gens dans mon groupe, car j’ai été dans beaucoup de groupes dans ma carrière, et je n’ai jamais ressenti cela. J’ai vraiment trouvé au fil des années des personnes en qui je fais confiance et avec lesquels je ressens une véritable connexion, que soit Mikael ou les musiciens de mon groupe, ou Lasse Hoile qui fait beaucoup de mes visuels.

Silverbard : The Raven That Refused to Sing est devenu l’album à la fois le plus vendu et le plus acclamé de ta carrière, après vingt ans et trente albums parus. Tu as aussi affirmé que c’était un sommet pour toi. Dans quel état d’esprit as-tu été quand tu as composé Hand. Cannot. Erase. ? T’es-tu senti sous pression ?

Steven : Le seule pression que j’ai ressenti ne venait pas des fans, ni du label ou du management, ni encore du reste du groupe, mais de moi et moi seul. Et la plus grande pression que j’avais était de ne surtout pas vouloir me répéter. Je pense que ça aurait été très simple de sortir The Raven That Refused To Sing Part 2, vu le succès que cet album a eu. Et en fait, le label et le management auraient été ravis, certains fans – pas tous – aussi. Mais je ne peux pas. C’est si ennuyeux. C’est créativement vide de refaire la même chose… à nouveau. La pression que je me suis donnée a donc été de faire quelque chose de complètement différent. Il y a toujours ma personnalité, mais c’est une expérience qui n’a rien à voir. Le concept a beaucoup aidé à cela, à m’emmener dans une direction moderne opposée. J’ai aussi voulu apporter des couleurs musicales différentes, j’ai travaillé cette fois-ci avec une chorale, ce qui était une exclusivité, de même qu’avoir une chanteuse très présente, où l’écriture des mélodies vocales était très originale… Mais au final, cette unique pression personnelle a été sûrement la plus grande que je pouvais avoir ! Il est possible de faire face aux pressions extérieures, mais quand je ne parviens pas à me satisfaire moi-même, je déprime beaucoup. Au milieu du processus de composition, ça n’allait pas bien du tout, j’ai été extrêmement déprimé. Ça a été une épreuve, parfois dure et peineuse, parfois exaltante et joyeuse. Quand je trouvais une bonne chanson, tout allait au mieux, quand je stagnais, tout allait au plus mal…

Silverbard : Et comment te sens-tu maintenant ? (rires)

Steven : Je me sens que je ne l’écouterai plus jamais ! (rires) Mais j’en suis très fier cependant, si tu comprends. J’ai dédié un an et demi de ma vie à le construire entièrement et à présent je dois penser à le reproduire en live – ce qui est fun, car ça n’a rien à voir – mais je ne veux plus jamais écouter cet album ! Cependant… Je pense que c’est la meilleure chose que j’ai jamais faite. J’ai cette très étrange relation… Comme toujours ! C’est la même chose pour chacun de mes albums. Je pense que c’est pareil pour beaucoup d’artistes.

Silverbard : Merci infiniment pour cette interview !

Steven : Merci, le plaisir est pour moi.

2000 – La guerre des mondes de HG Wells par Orson Welles et Bernard Herrmann (1938)

Bernard Herrmann et Orson Welles, deux esprits indépendants, deux artistes critiqués (mais célèbres) ont fait leur début de carrière ensemble à la radio. Welles y apprend le sens du découpage, la mise en scène et Herrmann l’art de l’évocation et des effets sonores.

Bernard Herrmann Orson Welles

Par pur esprit de collection, je me procurais un CD de l’enregistrement radio (1938) de la « Guerre de Mondes » d’HG Wells, par Orson Welles dans le cadre des émissions du Mercury Theatre. Herrmann faisait la musique de cette émission en direct ainsi que toutes les autres avec Orson Welles. C’était la fructueuse collaboration entre les deux hommes qui allait aboutir au cinéma avec « Citizen Kane » et « La splendeur des Amberson ». Mais en 1938 Herrmann était le chef d’orchestre reconnu de la radio CBS.
Ceci dit, l’enregistrement ici laisse très peu de place à la musique qui est très anecdotique.

Pour aller plus loin

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2015 – 03 – 25 : Revue Concert Steven Wilson

Après le concert de Steven Wilson à l’Olympia le 25/03/2015 une revue sur un autre concert de la tournée

 

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http://www.dprp.net/concrev/2015_stevenwilson_1.php

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Steven Wilson

Wednesday, 18th March 2015
Wolverhampton Civic Hall, Wolverhampton, the UK

Article and photos by Martin Burns

Steven Wilson and his band arrive in Wolverhampton on the last date of the U.K. leg of his European tour. The gigs are in support of his new release Hand.Cannot.Erase. The band are the same as those who recorded the album, with the exception of the couple of extra vocalists on the recording who were sadly unavailable. So for these shows we have Marco Minnemann (drums), Nick Beggs (basses, vocals), Guthrie Govan (guitar), and Adam Holzman (keyboards) with Wilson on various instruments and vocals.

A near capacity house fall silent at precisely 8 pm when the house lights go down and Lasse Hoile’s atmospheric films begin. These are shown on the giant screen at the rear of the stage. The band arrive in dribs and drabs as and when the music requires during the opener, First Regret. The sound builds to the full band by the time 3 Years Older kicks in. This artfully arranged concert moves through the full Hand.Cannot.Erase album with, as Wilson explained, choice cuts from his extensive back catalogue. He chose tracks that fitted in with the concepts evident on the new release. Everything here seem meticulously planned, even down to the encores.

This, however, did not stifle, but rather liberated the band into giving us an evening of fresh and enthusiastic music making. This was the sixth gig in the tour and the band are on fire. The music and the images produce an audio-visual experience that really raises the bar. The films by Lasse Hoile help to pull together the concepts threading through Hand.Cannot.Erase. The films illuminate and ground Wilson’s current and past pre-occupations with the internet; the tension between connectedness and personal isolation, family and love.

The superb playing brought Hand.Cannot.Erase even more forcefully to life. Every note played mattered; from the spoken word Perfect Life to the full on metal edges in Ancestral. There were some spine-tingling highlights: the finger-clicking intro to Index, Andy Holzman’s synth work and Guthrie Govan’s guitar in Regret #9, the head-banging Sleep Together, which manages to out do Led Zeppelin’s Kashmir in its pounding groove. It seems insidious to pick out these highlights when the whole evening was so fantastic.

A prog show par-excellence; intelligently thought through, with Wilson believing he can take the audience with him, on this musical journey into the dark heart of modern existence. Hand.Cannot.Erase contender for album of the year? Catch Steven Wilson live and you’ll catch what will probably the gig of the year. One phrase to sum it up – awesome and sublime. Please note there are no photos with this review, as requested by Steven Wilson. Pictures are available on Steven Wilson’s website.

2015 – 03 – 09 : Interview avec Steven Wilson sur Hand Cannot Erase

 

Interview avec Steven Wilson

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Dans la série des grands noms actuels du rock progressif, celui de Steven Wilson revient très régulièrement. À juste titre. Avec sous le coude des groupes tels que Porcupine Tree, Blackfield, Storm Corrosion, une réputation non usurpée de spécialiste de la remasterisation de classiques, de mixage 5.1, d’ingénieur du son subtile et exigigeant, Wilson cultive son image d’intellectuel accessible et multi-fonctions. Au-delà de son statut quasi iconique, le voici de retour avec “Hand. Cannot. Erase.”, quatrième album solo qui a l’honneur de succéder au magnifique “The Raven That Refused to Sing”. Mission impossible ?

Steven Wilson - Hand.Cannot.Erase (2015)

Bonjour Steven. Pour commencer, revenons un peu en arrière et notamment sur ces deux dernières années et notamment sur le succès critique et public de The Raven that Refused to Sing. Avec le recul, que penses-tu de cette expérience ?

Steven Wilson : Je suis très fier de cet album. Il faut dire que tout s’est très bien passé pour moi. Le disque a très bien marché mais, pour être honnête, je ne l’ai jamais réécouté depuis sa sortie. Évidemment, je joue toujours les chansons sur scène, et j’en jouerais encore sur la prochaine tournée mais comme toujours dans ma carrière, malgré ce succès, je ne voulais pas me répéter, je voulais faire quelque chose de complètement différent. Cela vient de mon habitude de vouloir évoluer, ne pas répéter systématiquement ce que j’ai déjà pu faire auparavant. Mais cela ne veut pas dire que je ne suis pas satisfait de « The Raven ».

Comment peux-tu expliquer le titre assez mystérieux de ce nouvel album : Hand. Cannot. Erase. ?

Steven Wilson : C’est un titre mystérieux, tu as tout à fait raison, et j’aime cet aspect étrange. Ce que j’apprécie avant tout lors de la conception d’un album c’est qu’il faut, à un moment, lui donner un titre. Quand tu donnes un « nom » à un album, tu le donnes également au public, tu leur dis « voici ce que raconte ce disque ». Et bien entendu, la plupart du temps, les chansons portent sur plein de choses très différentes qui ne peuvent pas se résumer à un mot ou une phrase. Je ne pouvais pas appeler l’album « The loneliness of living in the city » ou quelque chose dans le genre histoire de dire : « voilà de quoi ça parle » car l’album ne parle pas que de cela mais de plein d’autres choses : la perte, l’isolation, les nouvelles technologies, la solitude, l’amour… j’ai donc donné un titre qui n’est pas simple à comprendre, un titre ambigu, un titre que je ne souhaitais pas trop expliquer par ailleurs excepté le fait que le terme le plus important est ERASE. C’est l’histoire d’une femme qui, par son choix personnel, choisit de s’effacer elle-même de la conscience des autres. C’est tout ce que je veux en dire. Cela ne signifie pas plus pour moi. J’aime préserver derrière la façade.

Justement, quel est le concept derrière l’album ?

Steven Wilson : Le concept est vraiment centré autour d’une jeune femme à travers sa vie avec ce sentiment de n’appartenir à rien, d’être au bord de beaucoup de choses avec cette volonté de vivre dans une grande ville et, petit à petit, de s’isoler du reste du monde. En faisant cela, elle devient capable d’observer le monde moderne dans lequel elle vit. Mais elle finit par se perdre. Pour moi, c’est une opportunité d’utiliser ce personnage pour parler du monde moderne, pour parler des problèmes liés aux nouvelles technologies, de leurs impacts pour rendre nos existences meilleures, pour parler de la façon dont les villes, parfois, peuvent ironiquement isoler les individus malgré la masse, les faire se sentir seuls, pour parler de la façon dont Internet et les médias sociaux rendent paradoxalement les gens de moins en moins sociaux, antisociaux même, et pas mal d’autres choses encore. Mais globalement, c’est donc l’histoire de cette femme qui va en ville pour disparaître. Et personne ne s’en rend compte.

Steven Wilson

C’est une histoire étrange. Presque symptomatique…

Steven Wilson : Oui, et elle est basée sur des événements réels qui se sont déroulés récemment à Londres. Une jeune femme a été retrouvée morte dans son appartement après plus de deux ans. Ce qui était extraordinaire à propos de cette histoire c’est que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’était pas une vieille dame seule. Elle était jeune, jolie, populaire, avec des amis, et une famille. Et pour une raison inconnue, elle n’a manqué à personne pendant plus de deux ans. C’est incroyable. Mais cela a du sens pour moi car si tu veux vraiment disparaître, je crois que le meilleur endroit pour cela est encore de le faire en plein centre d’une grande ville…

C’est très paradoxal.

Steven Wilson : Et ironique, oui. Je crois que si tu veux être invisible, il faut te fondre au milieu de millions de personnes. C’est le moyen de disparaître. Elle est donc devenue très symbolique de ça, du chaos, de la confusion, de la vitesse de la vie au 21ème siècle.

Ces thèmes ont des similitudes avec des albums précédents comme Fear of the Blank Planet. Ce sont des choses qui vous inquiètent ?

Steven Wilson : Oui, bien sûr. C’était déjà inquiétant à l’époque de Fear Of A Blank Planet (ndr : 2007), mais les choses se sont empirées ! Ce sentiment de déconnexion que les gens ont avec Internet est vraiment inquiétant. C’est très facile maintenant pour un gamin d’obtenir tout ce qu’il souhaite sans sortir de sa chambre. Il peut discuter avec ses amis, jouer avec eux, télécharger de la musique, de la pornographie, etc. et je crois qu’il y a une tendance naturelle chez l’être humain à devenir passif. La technologie nous donne cette possibilité. On peut facilement devenir oisif. Pour moi, il y a une tendance croissante à s’isoler, à vivre à travers les univers virtuels. Ce n’est pas bon.

« Il y a une tendance croissante à s’isoler, à vivre à travers les univers virtuels et ce n’est pas bon. »

Le problème est peut-être une évolution trop rapide des technologies ?

Steven Wilson : Oui, absolument.

Nous n’avons pas le temps de nous adapter véritablement aux changements.

Steven Wilson : Regarde, chaque année les téléphones mobiles deviennent de plus en plus puissants, toute ta vie tient dedans. C’est incroyable la vitesse à laquelle tout évolue mais personne ne perçoit vraiment de quelle façon cela nous affecte. En bien ou en mal.

Cet album reprend la structure de The Incident (Porcupine Tree) : une chanson de 60 minutes découpées en plusieurs morceaux. Était-ce un principe de départ ou est-ce le fruit d’un accident, justement ?

Steven Wilson : Dès le début, je souhaitais faire un album concept et avoir un véritable axe narratif autour d’une histoire solide. Musicalement, ce n’est pas la chose la plus facile à faire. Quand tu as une histoire précise, que tu souhaites aller d’un point A à un point B, la musique devient esclave de ton histoire. Tu ne peux donc pas faire comme d’habitude et prendre, par exemple, telle ou telle chanson pour bien terminer l’album car il y a une narration à respecter. Tu es donc plus limité dans la façon de construire la musique. C’est assez compliqué mais aujourd’hui, j’ai vraiment besoin de cela, d’un concept narratif. Ce n’est pas tout à fait un album concept au sens classique du terme… disons que nous sommes plutôt dans un concept narratif. Il s’agit d’une histoire unique, linéaire, comme dans un film ou un roman.

As-tu écrit un script de départ ?

Steven Wilson : Je n’ai pas écrit véritablement de script et en fait, je n’ai pas écrit les textes avant d’avoir la musique. Tu sais, la musique et les textes sont le fruit d’un processus commun. Et je pense que c’est mieux, dans un sens, d’un strict point de vue de la musicalité. S’il y a un problème avec The Incident, dont tu parlais tout à l’heure, c’est principalement parce que la musique n’est pas aussi forte, aussi bien qu’elle aurait dû. C’est mon erreur, un échec personnel. Je crois que c’est un souci que j’ai résolu ici. J’ai appris des erreurs passées.

Précisément, la musique possède ici de nombreuses connexions avec vos travaux passés.

Steven Wilson : Oui, c’est exact. Il y a des chansons pop, des choses plus progressives, électroniques, heavy, folk, des passages plus atmosphériques… c’est bien de revoir tout ton répertoire mais c’est encore mieux lorsque tout cela est fait avec une histoire qui vaut le coup.

Cela ne t’a pas empêché d’essayer de nouvelles choses comme travailler avec une chanteuse. C’était la première fois ?

Steven Wilson : J’avais déjà travaillé avec des chanteuses mais plutôt sur des secondes voix. C’est effectivement la première fois que j’écris pour une chanteuse au premier plan.

« Ce disque est clairement un album studio… »

Peux-tu nous parler un peu de cette chanteuse : Ninet Tayeb ?

Steven Wilson : C’est Aviv Geffen qui me l’a fait rencontrer lorsque l’on travaillait sur Blackfield. C’est une star en Israël et une voix exceptionnelle, incroyable. J’ai essayé trois ou quatre différentes chanteuses pour ce projet et c’est elle qui m’a immédiatement époustouflé !

Était-ce compliqué d’écrire avec cet angle plus féminin, plus sensible ?

Steven Wilson : Compliqué ?… (il réfléchit)… écrire n’est jamais simple et pour moi c’est toujours compliqué de toute façon. Mais ce fut un vrai challenge d’écrire d’un point de vue féminin.

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Je ne sais pas si j’ai réussi mais les femmes qui ont écouté l’album ont l’air d’apprécier. Mais en réalité, j’ai évidemment mis beaucoup de moi-même dans ce personnage. J’ai utilisé une voix féminine pour valider le choix narratif.

Un choix nécessaire…

Steven Wilson : J’aurai pu faire autrement mais cela permet évidemment de rentrer plus facilement dans l’histoire.

Et c’est aussi la première fois que tu utilises une chorale d’école ?

Steven Wilson : Oui, oui. C’était incroyable. Tu sais, ils ont parfois du mal à se concentrer longtemps sur quelque chose, mais lorsqu’ils chantent ensemble, cela donne quelque chose de magnifique et de très… féminin. La voix de jeunes garçons retrouvent cette sensibilité que je recherchais. C’était vraiment le bon projet pour essayer.

D’où vient cette idée ?

Steven Wilson : J’ai toujours été fan de Kate Bush et notamment de l’album The Dreaming, probablement mon préféré. Il y a une chanson sur ce disque « All The Love » où elle fait ce duo avec une chorale. Depuis, j’ai toujours eu envie d’en faire autant car c’est quelque chose qu’on entend très rarement dans la musique pop. De mémoire, je ne peux pas trouver un autre exemple. Il y a des chœurs d’écoles certes, comme dans The Wall, mais ils n’ont pas ce côté angélique d’une vraie chorale. C’est un composant intéressant et surprenant.

As-tu vu Kate Bush pour son retour sur scène ?

Steven Wilson : Oui, bien-sûr. C’était très psychédélique. Je ne suis pas forcément très amateur de tout ce côté théâtral exacerbé. D’habitude j’aime bien cela mais là, c’était tellement énorme. Cela dit, elle était exceptionnelle ! Une voix toujours incroyable. Le show était très ambitieux. Quasiment tout était parfait.

Quel fut le processus créatif pour Hand.Cannot.Erase ?

Steven Wilson : La différence avec The Raven s’est surtout faite à partir du moment où nous sommes entrés en studio. Ce disque est plus un album studio. The Raven était plus un disque live enregistré en studio dans le sens où lorsque tu l’écoutes, tu écoutes six personnes qui jouent ensemble. Nous étions très peu dans le montage, la post-production, ce genre de choses. Pour Hand.Cannot.Erase ce fut beaucoup plus compliqué car nous étions dans un processus de construction en studio. Il y a eu bien plus de manipulations sonores, de sons électroniques et cela était nécessaire dans le sens où ce processus reflétait l’histoire racontée. C’est une histoire du XXIème siècle qui se déroule dans une métropole, avec un côté industriel amené par les textures électroniques. Cela aurait compliqué de tout faire en live au sens figuré.

C’est la raison pour laquelle tu n’as pas retravaillé avec Alan Parsons ?

Steven Wilson : Oui. Quand j’ai travaillé avec Alan, je voulais vraiment ce son « old school » et vintage, une production seventies. Et pour cet album je cherchais quelque chose de très différent.

Je crois savoir que tu ne sais pas lire la musique, ni même l’écrire…

Steven Wilson : Exact.

Comment fais-tu pour élaborer un album ?

Steven Wilson : C’est facile de nos jours ! Il suffit d’enregistrer avec ton ordinateur, avec un piano, par exemple, et l’ordinateur retranscrit tout. Je suis chanceux dans le sens où je travaille à une époque où la technologie nous aide. Je suis malchanceux dans un sens mais chanceux dans un autre. Je peux jouer un morceau au piano, l’enregistrer et l’envoyer à Adam Holzman. Le fait de ne pas savoir lire ou écrire la musique n’est donc pas un obstacle insurmontable.

Quelles furent tes influences pour cet album. J’ai noté Boards of Canada par exemple…

Steven Wilson : Rush également et aussi Pete Townshend, sur le premier riff et sur l’aspect conceptuel de l’album. Je pense qu’il est le grand-père des grands concepts albums sur l’aliénation. Si je te demande quel est l’album où le personnage principal a un père présumé mort à la guerre, grandit dans la solitude et l’aliénation… de quel disque s’agit-il ?

Tommy.

Steven Wilson : Oui, mais beaucoup auraient répondu The Wall car c’est le même concept. C’est pourquoi je pense qu’il est le grand-père des albums conceptuels basés sur l’aliénation due à l’ère moderne. C’est précisément le sujet de Hand.Cannot.Erase. Musicalement, il y a d’autres influences évidemment, comme Kate Bush, Boards of Canada, et beaucoup d’autres inconscientes.

Tu écoutes toujours beaucoup de musiques très différentes…

Steven Wilson : Je sais que certaines musiques, certains morceaux m’influencent mais on ne peut pas forcément le remarquer. Par exemple, certaines parties de l’album sont influencées par Magma mais personne ne s’en apercevra sauf moi car je le sais. Quand tu écris, tu es toujours sous influence mais tu ne t’en rends parfois même pas compte.

« Je me sens plus auteur que musicien… et puis, les musiciens qui m’entourent sont bien meilleurs que moi ! »

© Naki Kouyioumtzis.Steven Wilson, on location, oxfordshire.

J’ai noté que tu avais récemment écouté la bande originale du film Interstellar.

Steven Wilson : La musique est magnifique. J’avais également adoré le travail de Hans Zimmer sur Inception, c’était brillant, fantastique.

As-tu vu les films ?

Steven Wilson : Inception est un film génial. Interstellar est très spectaculaire mais l’histoire est ridicule, enfin, je n’ai pas tout compris. Avec Inception, Nolan a fait le plus incroyable blockbuster : très intelligent, très malin et dont tu peux apprécier chaque niveau. J’ai adoré également Le Prestige, Memento…

Il y a deux ans, nous nous étions vus pour The Raven et à ce moment-là tu m’avais dit vouloir travailler pour le cinéma. As-tu des projets dans ce sens ?

Steven Wilson : J’adorerais mais je n’ai rien de prévu pour le moment malheureusement.

Tu m’avais avoué ta préférence pour des univers à la David Lynch…

Steven Wilson : Oui, mais la plupart de ces réalisateurs ont leur compositeur attitré. Nolan a Zimmer, Lynch Badalamenti, Tim Burton a Danny Elfman, David Fincher a

 Trent Reznor… il faut donc trouver un réalisateur qui n’a pas encore de connexion. Ce n’est pas simple. Mais j’adorerais le faire un jour.

Il suffit de la bonne occasion.

Steven Wilson : Oui, je sais que ça arrivera un jour.

Qui est l’auteur de la pochette ?

Steven Wilson : Lasse Hoile.

C’est assez inhabituel de son style.

Steven Wilson : Oui. Il a mélangé peinture et photographie. Le résultat est superbe. Nous avons travaillé sur ce concept car le personnage de mon film (ndr : il sourit sur son lapsus)… enfin de l’album… est une peintre. Cela donne une vision très fraiche de l’album.

Ton lapsus est intéressant. Te sens-tu plus un auteur ou un musicien ?

Steven Wilson : Oh… un auteur. Bon, c’est un grand mot évidemment, mais si par auteur tu entends quelqu’un avec une idée en tête qui implique de la musique, des textes, une histoire, un script, des photos, le tout avec une grande ambition alors oui… je me sens plus comme un réalisateur ou un auteur et moins comme un musicien. Et puis, les musiciens qui m’entourent sont bien meilleurs que moi ! J’imagine une musique dans la tête mais je ne sais pas forcément la jouer et j’ai ces personnes formidablement douées qui peuvent le faire.

La musique n’est qu’une partie de l’ensemble.

Steven Wilson : Oui, absolument.

Question habituelle, mais penses-tu que cet album soit ce que tu as fait de mieux ?

Steven Wilson : (rires) Oui ! Bon, à chaque fois on répond oui à cette question et en même temps si je ne le faisais pas, il y aurait un problème. Je dirais stop, tu vois. C’est le problème avec le dernier album de Porcupine Tree, justement. Je sentais qu’il ne s’agissait pas de notre meilleur travail. C’est aussi pour cela que j’ai arrêté le groupe pour passer à autre chose. Alors, oui, je crois que la plupart des musiciens te feront la même réponse :  « oui c’est notre meilleur album ». Et je ne suis pas différent.

Une tournée est évidemment prévue. Que pouvons-nous attendre ?

Steven Wilson : Quelque chose de très visuel évidemment. Je travaille avec trois réalisateurs différents pour cela, afin de coller leur univers aux différentes chansons. Il y aura des séquences animées, des séquences live, quelque chose de très multimédia car le concept s’y prête parfaitement.

Tes autres projets ?

Steven Wilson : Aucune idée. Tu sais, cela fait un an que je suis à plein temps sur cet album et cette année devrait être consacrée à sa promotion et à la tournée.

De nouveaux remixes sont-ils prévus ?

Steven Wilson : J’en ai fait vraiment beaucoup ces derniers temps et une bonne dizaine de classiques ne sont pas encore sortis. Le prochain sera probablement un album de Simple Minds.

Est-ce un choix de ta part ?

Steven Wilson : Non. Les gens viennent vers moi, les majors ou les managers, mais je finis par faire fais que ce que j’aime vraiment. Donc, dans un certain sens oui, c’est un choix de ma part. Mais je ne fais pas de suggestions.

Et à propos de Porcupine Tree ?

Steven Wilson : Aucun plan. En fait, je ne sens pas l’obligation de me replonger dedans pour le moment. Le groupe n’est pas mort et je suis persuadé que l’on reviendra un jour, au moins pour un album supplémentaire afin de terminer l’histoire proprement mais je ne ressens pas le besoin immédiat de le faire.

Tu es très engagé dans un processus solo dorénavant…

Steven Wilson : Oui et ça fonctionne très bien. Je n’ai pas la même pression financière ni les mêmes obligations. Mais je comprends que de nombreuses personnes aient un attachement presque romantique avec le groupe. Ils ont parfois grandis avec cette musique et ils voudraient que ça continue toujours mais ce n’est pour le moment pas à l’ordre du jour.

Reste-t-il des musiciens ou des artistes avec qui tu aimerais travailler ?

Steven Wilson : Oui, Kate Bush évidemment. J’adorerai remixer ses albums ou travailler avec elle. Sinon je n’ai pas vraiment de souhait. J’ai déjà travaillé et je travaille encore avec des gens fantastiques. Les musiciens qui m’accompagnent sont extraordinaires donc, non, je n’ai pas d’ambitions particulières. J’ai déjà la chance d’être entouré par les personnes que je voulais.

Et bien merci !

Steven Wilson : Ce fut un plaisir.

Propos recueillis en février 2015
Remerciements à Roger Wessier.

2015 – Vertigo (un article)

Vertigo
Although now rightly recognised as one of cinema’s true masterpieces (along with Citizen Kane it’s guaranteed to make all but the most contrary of filmgoers’ top ten), Vertigo was not always held in such high regard. On its release in 1958, critical reception was cool. There was praise for the film from some quarters, but it was muted. The reviewer of Time magazine famously dismissed it as “another Hitchcock and bull story”, showing that a critic is always ready to make a lame pun at the expense of insight. The New Yorker called it “far-fetched nonsense” whilst the Los Angeles Times complained that the plot was “hard to grasp at best”. Many reviewers of the time faulted the movie for its pacing, calling it too slow and “not a little confusing”. It’s true that its story was unconventional. Retired police detective Scottie Fergueson (James Stewart) is given the job of following the glacially beautiful Madeliene, who is suspected by her husband of harbouring suicidal tendencies. When Scottie’s intervention leads to Madeleine’s death, he is consumed with grief and can only find solace by trying to recreate her image in another woman he meets seemingly by chance.

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2000 – Le monde mystérieux de Bernard Herrmann

Le Monde Mystérieux de Bernard Herrmann (Sessions 75) :

L’enregistrement présenté ici date de 1975 avec le National Philharmonic Orchestra dirigé par Herrmann (et s’intègre aussi comme le dernier volume des suites musicales réarrangées et réenregistrée spar Bernard Herrmann pour le label Decca).
Il regroupe quatre œuvres majeures et uniques chères à Herrmann dans le genre « heroic fantasy » : « Le 7ème Voyage de Sinbad » (1958), « Les Trois Mondes de Gulliver » (1960), « L’Île mystérieuse » (1963) et « Jason et les Argonautes » (1964).

Bien que le genre « heroic fantasy » soit un genre mineur comparé au policier, il offre à Herrmann l’occasion de composer des partitions riches et d’inventer une musique originale pour décrire des univers imaginaires.

Comme point commun dans le choix de ces œuvres: elles sont nées de la rencontre entre un producteur et deux artisans du cinéma: un “maitre des effets speciaux” Ray Harryhausen, (inventeur des effets spéciaux peints sur pellicule) et Bernard Herrmann.

Aujourd’hui avec les effets numériques évolués, force est de constater que les films, bien que distrayants, sont devenus datés et ne sont pas extraordinaires. Mais la musique d’Herrmann qui éclipsait déjà les films, n’a indéniablement pas pris une ride.

Dans les années 60-80, le genre « heroic fantasy » a produit moins de chefs-d’œuvre que dans d’autres genres principalement à cause de la difficulté à créer des mondes imaginaires immersifs sur pellicules et le cout prohibitif des effets spéciaux. Herrmann a posé sa musique sur ces films ludiques sans pour autant abandonner sa démarche artistique exigeante. Les histoires des films ont été pour lui une aubaine artistique pour lui permettre “d’inventer” une musique originale ou de puiser dans plusieurs époques.


A la tête d’un budget plus conséquent qu’à l’habitude, Herrmann a composé une musique pour un orchestre large (70 musiciens pour « Jason »).
Et curieusement, « Le 7eme voyage » a été composé juste après le romantique « Vertigo », « Les 3 mondes de Gulliver » juste après le sombre « psycho », « l’Ile mystérieuse » après le terrifiant « Le cap de la peur » et « Jason » avant le triste « Marnie ». Pourtant, s’il y a des similitudes entre les 4 partitions, il y a peu de points communs avec « Vertigo », « Pycho » ou Marnie.


Dans ces partitions, Herrmann a créée un climat mystérieux et ample, plutôt tonique et puissant, avec beaucoup de cuivres et de percussions (particulièrement « Jason »).
Pour ma part, par exemple, j’aime beaucoup cette utilisation de harpes pour décrire les serpents ou les « arpies », ou des xylophones pour décrire les squelettes vivants, les percussions qui ponctuent chaque pas des géants et autres animaux monstrueux.
Les thèmes musicaux sont riches et variés. L’ambiance est plutôt marquée par l’aventure, les romances entre prince et princesse, les mystères, bref une parenthèse joyeuse et enchantée dans l’univers sombre, sérieux, romantique d’Herrmann.
Les suites d’Herrmann en 1975 avec l’Orchestre Philharmonique National, sont particulièrement réussies. En outre, à la même époque (la dernière année d’existence), Herrmann pourtant fatigué, était extrêmement actif. Entre 2 sessions d’enregistrement pour ses suites, Herrmann composait Taxi Driver et enregistrait Obsession.

Recording Sessions
1975 
"The Mysterious Film World of Bernard Herrmann": Suites, Mysterious Island, Jason and the Argonauts, and The Three Worlds of Gulliver (Feb. 6-7). 
National Philharmonic Orchestra. London. Decca..