Le monde classique de Bernard Herrmann (sessions 70) :
En 89, j’avais peu de CD mais déjà une bonne proportion de disques d’Herrmann. Mais par certains cotés, c’était de la musique « vieux jeu » car elle avait été composée il y a plus de 50 ans, elle comprenait des instruments classiques et elle n’était pas interprétée par des jeunes hirsutes gesticulants sur des rythmes frénétiques.
Mais ce n’était pas non plus de la musique « classique », celle qui flatte le bon goût et la respectabilité car ce n’était que de la musique de film.
D’ailleurs Herrmann à son époque souffrait du peu d’intérêt manifesté à la musique pour les films. Une grande part de son amertume de son tempérament volcanique était liée au peu de respect qu’on avait de sa musique et de la musique de film en général.
Bref, ces disques et cette musique étaient pour moi comme un jardin secret musical. Je mettais les disques au fond de mes étagères, la où l’œil ne s’attarde pas et je les écoutais seul avec ce mélange de curiosité, d’ivresse musical et de passion romantique.
Le disque « Le monde mystérieux de Bernard Herrmann » est la réédition en CD d’un des disques du coffret de 3 disques vinyls qui m’a fait découvrir Herrmann. Ce CD est tirés des sessions d’enregistrement d’Herrmann (en 1970) de quelques unes de ses partitions favorites : on trouve ici sous la forme de suites musicales « Citizen Kane» (1939), « Jane Eyre » (1943), « Les neiges du Kilimandjaro » (1952), « The Devil and Daniel Webster » (et un extrait de « Jason et Les Argonautes » tiré des sessions 75 mis la on ne sait pourquoi).
Avec Citizen Kane, et The Devil and Daniel Webster, Herrmann obtient la récompense du public et des critiques (qu’il n’obtiendra plus jusqu’à sa mort avec un prix à titre posthume en 1976 pour « Obsession » et « Taxi Driver »). Sa partition emprunte des airs traditionnels mais Herrmann pose déjà ses principes musicaux (que fautes de connaissances musicales suffisantes, je ne pourrais expliquer). Dans les « Neiges du Kilimandjaro », Herrmann qui vient de terminer son opéra « Les Hauts de Hurlevent » retrouve un style très romantique et lyrique avec l’un de ses thèmes les plus longs. Si « Les Neiges » m’emporte dans un élan musical, je reste globalement émotionnellement moins fanatique de « Citizen », « The devil » ou « Jane Eyre ».
« Citizen Kane » est la première partition d’Herrmann pour les films, c’est sa consécration avec Orson Welles avec qui il travaillait déjà sur les ondes radiophoniques.
Dans ces sessions, Herrmann assemble ses thèmes dans un ensemble fluide et cohérent. Il retrouve l’Orchestre Symphonique National de Londres.
Dans sa démarche artistique, il rend hommage aux individus à travers son travail des premières années. Il tente de faire un disque « commercial » ( à l’époque, il sortait d’une période artistique très noire où Hitchcock l’avait renié et où Hollywood l’avait oublié).
The Ghost And Muir (1942) enregistrement de 1975 (elmer Bernstein) :
Quand la nuit, n’ayant rien d’autre à rêver, je m’imaginais écoutant une musique d’Herrmann, je vibrais et le matin, je me réveillais heureux mais triste de ne pouvoir, me rappeler ce que j’avais écouté.
Boulimique et passionné, j’essayais de trouver en cassette, les films dont la musique avait été composé par Herrmann.
Internet n’était pas rentré dans les mœurs (ou dans les miennes), j’épluchais les notes de CD à la recherche de films, de disques, d’informations, de pistes, de références d’ouvrages.
Quand je parvenais à trouver les films, c’est presque si le film avait moins d’importance que la musique. Je m’attachais à chaque bribe de musique (car les thèmes d’Herrmann sont souvent très courts).
C’était pour moi comme boire un vin exquis extraite d’une bouteille moisie et poussiéreuse dans un gobelet en plastique sur une table vermoulue dans une cave sombre et humide.
Ou manger un met délicat avec des assiettes en plastique dans une vieille gargotte sur un coin de table.
Bref, le contenant musical importait plus que le contenu cinématographique.
Gene Tierney (The Ghost and Mr Muir 1942)
Collectionnite
Ainsi je voyais « Les nus et les morts », un film de guerre moyen de John Ford, « le 7eme voyage de Sinbad », un film amusant mais qui a bien vieilli.
Mon CD suivant fut le ré-engistrement en 1975 d’une partie de la partition « du Fantome et Madame Muir » par Elmer Bernstein. Cette partition était l’une des préférées d’Herrmann (avec Obsession et Fahrenheit). Herrmann y avait mis tout son cœur et à l’époque de son écriture (1947), il traversait une important déprime artistique et personnelle (divorce d’avec sa première femme et questions sur son talent artistique). Je suis persuadé que souvent, les artistes réalisent leurs meilleures œuvres à des moments difficiles de leur vie. Pour se sortir de la difficulté, il se rattache à leur art, ils donnent tout ce qu’ils ont, ils expulsent, leurs douleurs, leurs souffrances. A l’époque de l’enregistrement de Bernstein en 75, Herrmann vivait encore et Bernstein lui a rendu un bel hommage. Toutefois Herrmann , n’était pas présent durant les séances d’enregistrement, Bernstein estimant, qu’Herrmann vu son tempérament, aurait trouvé certainement à redire. « The Ghost And Mrs Muir » est un grand classique d’Herrmann qui s’est passionné pour le film et le personnage de Madame Muir. A mes yeux et mes oreilles, ce n’est cependant pas celui que je préfère : trop complexe à mon goût malgré des thèmes courts et des répétitions-variations multiples. Pourtant, c’est une partition comme Herrmann les aimait : mystérieuse et romantique.
(Pochette The Ghost And Muir (1942) enregistrement de 1975)
Steven C Smith écrit:
While the Psycho score was in production, The Ghost and Mrs. Muir, Herrmann’s own favorite, was being recorded commercially for the first time by Elmer Bernstein. Although the album was made at Wembley, a mere half-hour from Herrmann’s Chester Close home, Bernstein chose not to consult the composer: “I knew if I opened that can of beans we’d never get the job done.” Sensitively performed and faithful to the spirit of Herrmann’s original, the recording pleased both film music aficionados and Herrmann”and that was big news,” Bernstein said, “although Benny was really too ill by that time to dislike things.”After his long-standing feud with Bernstein, Herrmann decided it was time to make peace; some weeks before the album’s recording the two met for lunch at Chester Close. “It was really very sad,” Bernstein said. “On that last meeting all Benny wanted to talk about were the composers he knew in Hollywood that had once been his friends.
Psycho 1960 (réenregistrement d’Herrmann 1975) : L’année 75 est une année extrêmement active et riche pour Herrmann (enregistrement de ses suites musicales, écriture et enregistrement de Obsession et Taxi Driver) mais aussi dramatique puisqu’il s’éteindra à la fin de l’année exactement la nuit de Noël.
Reédition Lorsque je vis pour la première fois à la fin des année 80 ce disque, je me posais plusieurs questions : pourquoi Herrmann avait ré-enregistré « Psycho » alors que cette musique symbolisait comme « Vertigo », « Mais qui a tué Harry » , « La Mort aux trousses » ou « Marnie », la fin douloureuse d’une collaboration artistique intense et d’une amitié profonde entre 2 grands artistes : Hitchcock et Herrmann ?
Rupture Hitchcock Herrmann La rupture entre Herrmann et Hitchcock, qui eu lieu début 66, fut aussi brève que spectaculaire. Il n’en pouvait en être autrement entre ces deux êtres passionnés . Pour « le rideau déchiré », Hitchcock (sous la pression des studios) avait demandé à Herrmann une musique « populaire ». Herrmann avait fait sa musique comme il savait la faire (comment aurait il pu faire autrement ?) , mais qui n’était pas particulièrement « populaire ». Hitchcock pensait qu’Herrmann avait ignoré ses directives. Herrmann volcanique, n’était pas l’homme des compromis et de la diplomatie. Les deux hommes orgueilleux et têtus s’étaient affrontés. Aucun ne pouvait revenir en arrière et il en était ainsi.
Steven C Smith écrit : His years with Herrmann differed in only one respect: Herrmann couldand often didignore Hitchcock’s directions. (Two key disagreements illustrate both Hitchcock’s trust and eventual disregard of Herrmann’s opinion. Herrmann scored Psycho‘s shower sequence, which Hitchcock originally wanted silent; and in 1966, Herrmann ignoredHitchcock’s instructions for Torn Curtain, causing an irreparable breach between the two men.
Sisters (1973) : rééedition La réédition des bandes originales des films « Sisters » (1973), « Taxi Driver » (1975) et « Battle Of Neretva » (1970), fut une surprise pour moi en ce début 90. Ces films étaient des films réalisés par des metteurs en scène débutants (Sorcese, De Palma) ou peu connus. Je me demandais pourquoi Herrmann qui avait fait la musique de grands réalisateurs était réduit à travailler sur des films peu connus.
60 – 70 : Bernard Herrmann traverse une période de transition et de remise en question
La fin des années 60 et le début des années 70 fut une période douloureuse pour Herrmann, qui après sa rupture avec sa deuxième femme en 65 et sa rupture avec Hitchcock en 66, fut en quelque sorte oublié par Hollywood. Herrmann était un homme amer et difficile, qui ne faisait pas beaucoup de concessions mais qui vivait intensément son art et son travail, et qui cachait un cœur énorme.
Retour en Angleterre (rencontre avec Truffaut et De Palma)
Pourtant, amer face à Hollywood, Herrmann retourna en Angleterre. François Truffaut, le rencontra (il avait une admiration sans borne pour Herrmann et Hitchcock) et Herrmann travailla sur « Fahrenheit 451 » (1967) – sur lequel nous reviendrons plus tard – et « La mariée était en noir » (1968). Puis un autre admirateur d’Herrmann le rencontra par l’intermédiaire d’Orson Welles. Il travailla sur « Battle Of Neretva », principalement par amitié pour Orson Welles. Puis il fit 3 autres bandes originale de film (dont « Night Digger » 1971 et « It’s Alive » 1974) avant que De Palma ne vienne le chercher. De Palma est un metteur en scène provocateur, sur de lui mais doué. A ses débuts vers 67, il s’imprégnait de la « grammaire » Hitchcockienne et naturellement il voulu rencontrer Herrmann.
Rencontre avec De Palma
Herrmann était un être bourru et hyper sensible. La première rencontre de De Palma fut explosive : De Palma mis la musique de « Pycho » sur l’une de ses scènes en disant : « voilà ce que j’aimerais obtenir ». Herrmann explosa en hurlant qu’on arrête sa musique en prétendant qu’on n’avait rien comprit. De Palma voulait obtenir une musique terrifiante facon « Psycho » pour son film qui par certains cotés reprenait des thèmes de « Psycho ». Finalement, la tension entre les deux hommes (comme souvent entre Herrmann et un metteur en scène) , tomba et Herrmann livra une musique splendide, plus féroce et terrifiante que « Psycho » mais assez différente. Comme dans « Psycho », la musique de « Sisters », laisse un goût de malaise et de terreur. Elle est souvent étrange et sauvage. Les thèmes doux laissent souvent place à des thèmes de mystère et de violence. Finalement la musique de Sisters n’est pas reposante.
Hitchcock lui aussi en Angleterre
Ironiquement tandis qu’Herrmann composait en Angleterre cette musique sauvage, Hitchcock lui aussi exilé en Angleterre, réalisait « Frenzy» un film lui aussi assez violent. Mais depuis 66, tandis, qu’Herrmann allait livrer encore des œuvres magistrales (« Fahrenheit 451 » en 1967 et « Obsession » en 1975), Hitchcock, semblait éteint depuis « Marnie » 1964.
Alors que Benny entrait dans le studio, il déclara : “D’abord, je dois m’habituer à la salle.” J’avais pensé qu’il serait très impatient, mais il ne l’était pas. C’était une autre chose que j’ai apprise de lui : quand on entre dans un nouveau studio de mixage et qu’on ne connaît pas l’endroit, il faut un certain temps pour s’adapter à la salle.
Lorsque nous traitions les dialogues et les effets sonores, Benny s’assoupissait, mais finalement, nous arrivâmes à la séquence du meurtre, et le mixeur de musique oublia de lancer la partition de Benny. Il passa directement à l’endroit où la musique aurait dû commencer, mais il n’y avait rien. J’étais assis entre Brian et le mixeur, et Benny était assis devant nous, face à l’écran. Il s’écria par-dessus son épaule : “Où est la musique ? N’y a-t-il pas de musique ici, Paul ?” en s’adressant à moi. Le mixeur répondit : “Non, j’ai juste oublié de…”
Tout ce que Benny entendit fut “non”. Et comme il s’adressait à moi, il pensa que je disais : “Non, il n’y a pas de musique ici.” Il se leva et entra dans une rage volcanique, hurlant contre moi : “Comment OSEZ-vous me dire qu’il n’y a pas de musique ici ! J’AI ÉCRIT la musique ! JE L’AI DIRIGÉE ! JE L’AI ENREGISTRÉE ! Vous êtes INSOLENT ! Ne vous AVISEZ PLUS de me parler ainsi ! Je vais vous signaler au syndicat !” Et je n’avais pas dit un mot.
J’étais anéanti. Voilà un homme que j’idolâtrais, qui se retournait contre moi sans raison. Je regardai Brian, puis le mixeur, qui haussa simplement les épaules. Benny continua de fulminer ; il écumait, les veines saillaient sur son front. Tout le monde était sous le choc. Finalement, Benny se calma, et à la fin de la journée, le mixeur alla le voir et lui dit : “C’était entièrement de ma faute, Benny.” Mais pour le reste du mixage, je ne pouvais pas ouvrir la bouche sans que Benny dise : “NON, NON, absolument pas !” Cela en arriva au point où je faisais mes suggestions à Brian, qui disait : “Benny, penses-tu que nous devrions…”, et Benny répondait : “Oui, nous pouvons faire ça.” Il n’y avait aucun moyen que ce que je disais puisse être bon.
J’étais vraiment blessé par cela. Brian me dit : “Écoute, tu as géré ça parfaitement. Il n’y a rien à faire. S’il est fou, essaie juste de l’ignorer ; il nous livre une superbe partition.”
Malgré les tensions, Herrmann continua d’apporter des contributions incisives au film, tant sur le plan musical que structurel. Paul Hirsch se souvient : “Même s’il avait lu le scénario et vu le film, alors que nous mixions l’une des dernières bobines, Benny dit : ‘Brian, arrête une seconde. Regarde, si tu gardes cette scène dans le film, autant rentrer chez nous tout de suite. Elle révèle tout dans cette scène—réfléchis-y ! Tout est dévoilé.’ Nous sommes retournés dans la salle de montage, avons réfléchi, et finalement dit : ‘Hé, il a raison.’ Alors nous avons commencé à retirer des éléments ; nous avons recoupé la scène, et cela fonctionnait beaucoup mieux.”
De Palma et Hirsch n’étaient pas moins reconnaissants pour les contributions musicales de Herrmann, et dans un article du Village Voice, De Palma écrivit un long et vivant compte-rendu de l’irascibilité de Herrmann et de son infaillible talent dramatique. Mais comme le démontraient critique après critique, la partition parlait d’elle-même. “Herrmann, compositeur de nombreuses grandes partitions pour Hitchcock, a contribué à un exemple parfait de musique de film,” observa Variety. “Le thème principal du titre donne un excellent départ au film de 92 minutes, et dans les bobines suivantes, la musique adoucit de nombreuses aspérités et confère même une viabilité dramatique à des scènes qui, autrement, seraient tombées à plat. Herrmann est l’un des nombreux musiciens rarement utilisés dont le travail à l’écran manque cruellement.”
Le succès commercial et critique de “Sisters” en 1973 mit Herrmann dans son état d’esprit le plus positif depuis son déménagement à Londres. Avec le moral remonté et son compte en banque renforcé, il convainquit Norma cet été-là qu’il était temps de prendre des vacances.
It’s Alive
A la même époque, je découvre à la télé lors d’une séance nocturne un film d’horreur daté dont Herrmann fit la musique : « It’s Alive » (1974). Le film lui même me laisse perplexe (par sa qualité générale) quand à la musique mis à part le générique, je la remarquais peu et finalement le tout reste une grande déception. Pour la séquelle « It’s Alive II » (1978), Laurie Johnson un ami d’Herrmann réutilisera, réarrangera et réenregistrera les thèmes d’Herrmann.
Steven C smith décrit :
It was a collaboration Herrmann genuinely enjoyed; what glaring weaknesses existed in the film were more than compensated by Cohen’s enthusiasm for Herrmann’s music and the working freedom the film offered. Unfortunately, the score itself is Herrmann’s most self-derivative. As in Sisters, Herrmann experiments with electronic sounds to evoke a sense of the abnormal and horrific; the odd blend of bass guitar and viola also enhance Herrmann’s trademark use of low woodwinds and brass (no strings are used; instead Herrmann enlarges his usual brass instrumentation to give a sense of weight and power). Yet the music is tediously repetitive and overscaled for the low-budget film it accompanies. Herrmann’s title prelude is the most effective sequence, with thick clusters of brass and Moog counterbalancing a melancholy viola solo and quietly pulsating bass. Equally memorable in the film (for camp, not musical, reasons) is the infant’s bloody murder of a Carnation milkman in the back of his delivery trucka scene whose cue Herrmanndrolly titled “The Milkman Goeth.”Herrmann’s own favorite moment in It’s Alive comes at the film’s conclusion, as police drive the parents (John Ryan and Sharon Farrell) from their baby’s last slaughter site, only to learn that an identical infant has been born in Seattleand, Herrmann would whisper with glee, “you know it’s going to happen all over again!”
Night Digger
« Night Digger » est une œuvre de suspense. Le film, lui même, que je n’ai pas vu, est un polar crépusculaire. Herrmann retrouve le style de ses partitions « policières », son énergie et son mystère.
Steven C Smith décrit
None of Herrmann’s frustration is evident in his beautiful score for strings, harp, and solo harmonica, in which he explores a favorite theme, romantic alienation, against a Hitchcockian backdrop of psychological horror. (Allusions to the master abound in the film, both in its camera borrowings and black sexual humor.) Like Maura, trapped by guilt in the home of her tyrannical benefactor, Herrmann’s score is most eloquent in its muted passages of longing: the mournful viola d’amore soli, which capture the essence of Maura’s loneliness;
Bernard Herrmann Anthologie volume 3 : The Inquirer (Compilation 1991) : Compilation et inédits.
La réédition de 3 disques dans un coffret intitulé « Bernard Herrmann Anthologie » fut une surprise pour moi : qu’Herrmann puise être édité en compilation et que des nouveaux enregistrements sortent pour un compositeur de la vieille école.
La composition du coffret est curieuse (2 réenregistrements + une compilation avec des morceaux en doublons), des morceaux de ses 2 œuvres de “jeunesse” et une compilation des œuvres de ses dernières années). Sans doute des histoires de droits.
Dans l’ordre dans les bacs (En 1991 Internet n’existe pas et il faut chercher dans les magasins “physiques”), je trouvais d’abord la compilation le volume 3 (« The Inquirer ») puis le volume 1 (« Citizen Kane ») puis le volume 2 (« La fortune des Amberson »).
A chaque fois une pochette soignée et beaucoup de notes de commentaires à l’intérieur.
Taxi Driver 1975 (1ere édition de la BOF) :
Suite au succès de « Sisters », De Palma réengagea Herrmann pour « Obsession », tandis que le producteur commun de De Palma et Scorcese, engagea Herrmann pour « Taxi Driver ». Malgré sa fatigue Herrmann, travaillait beaucoup, sur ces anciennes œuvres et sur de nouvelles. L’enthousiasme de jeunes réalisateurs passionnés lui donnait du courage, tandis qu’il traversait un nouveau bonheur amoureux avec sa troisième femme, une journaliste plus jeune que lui qui lui apportait tendresse et sérénité.
Steven C Smith écrit :
Scorsese sent the composer the script of his next project, Taxi Driver. Herrmann agreed to score the film. A prestigious picture for a major studio (Columbia), Taxi Driver was a triumphant turning point for Herrmann, who had become not only a cult figure among cineastes but also a composer again sought out by Hollywood’s best directors. “The new guys, they want me!” he told Ted Gilling with glee. “Usually in the past, the young guys would tell all the old guys to get the hell off the boatbut since I’m in vogue again, I can tell them where to go!” And to Norma, in an echo of Lionel Newman’s remark of a decade past: ” I’m running with the kids now.
Obsession/Taxi Driver
Pour « Obsession », Herrmann s’enthousiasma beaucoup pour le personnage d’Amy Courtland qui lui rappelait le personnage de Madame Muir et la musique « Obsession » lui vint comme une évidence. Sans doute, ragaillardi par son succès artistique sur « Obsession », il s’attacha rapidement à sa tache sur « Taxi Driver ». L’après midi de Noël, il bouclait les enregistrement de « Taxi Driver ». Le soir, il se coucha tôt et s’éteint dans son sommeil.
La partition de Taxi Driver en plusieurs tons
Lorsque j’écoutai la musique de Taxi Driver, je fus frappé par une chose : il y avait plusieurs thèmes de la BOF interprétés à la batterie et aux saxophone. Ces instruments n’étaient pas vraiment Herrmannien et la musique avec ses instruments avaient de ce fait bien vieillie.
J’étais déçu et j’oubliais rapidement cette musique excepté 3 morceaux splendides. Herrmann s’y révélait à son habitude sensible et romantique mais sombre.
Plusieurs éditions
Quelques années plus tard (2001), je compris que cette version du disque était amputée de la quasi totalité des thèmes interprétés par Herrmann avec l’Orchestre Philharmonique. A la place, les thèmes d’Herrmann avaient été réarrangés par Dave Blum avec batterie, guitare et saxophone et mis sur le disque sans doute pour qu’il soit plus « commercial ».
Lorsqu’il mourût, Herrmann faisait encore ce qu’il avait toujours fait : de la musique. Sans doute aurait été il heureux de voir que des jeunes réalisateurs s’intéressaient à sa musique, sans doute aurait il été heureux de voir « Obsession » et « Taxi Driver » recevoir un prix.
Quand à Taxi Driver, une deuxième version de la BOF en 2001, réintégra l’ensemble des morceaux composés et interprétés par Herrmann, ainsi que de nombreux ré-enregistrements partiels (Bernstein en 93 et Bateman en 96).
Ainsi je redécouvrais la partition de « Taxi Driver », sombre mais humaine, chaleureuse et sensible comme ce chauffeur de Taxi qui décide de sortir de la prostitution cette jeune fille perdue.
En ce début, d’année 90, j’étais heureux d’écouter et d’avoir des disques de ses 4 plus belles œuvres (« Vertigo », « Psycho », « Obsession », « Fahrenheit 451 ») et j’ignorais les rééditions et les ré-enregistrement de son œuvre qui allaient suivre.
Battle Of Neretva (BOF 1970) : film obscur
“Battle of Neretva” est la musique d’un film que je n’ai pas vu.
Le réalisateur ne semble pas particulièrement connu, les acteurs sont solides mais le film n’est pas resté un film culte.
Le film est un film épique qui retrace l’épopée de la bataille de Neretva dans l’Europe de l’est pendant la seconde guerre mondiale.
Le film est une coproduction et bénéficie d’un large budget.
Orson Welles (qui faisait des « petits films » en tant qu’acteur pour ramener suffisamment d’argent pour ses propres projets) est à l’origine de la venue d’Herrmann.
Motivations
Herrmann a sans doute été séduit aussi par la perspective de faire la musique d’un film de guerre, ce qu’il n’avait plus fait depuis « les nus et les morts » en 1959.
La partition du film de 2h30 est imposante. Pourtant l’enregistrement ici n’en propose que 40 minutes.
Herrmann a enregistrée sa partition en Angleterre où il résidait depuis son exil d’Hollywood à la fin des années 60. Plusieurs partitions du film existent en fonction des pays mais celle d’Herrmann est la meilleure.
Partition excellente
Certes si la pochette semble quelconque, le disque lui est unique.
Malgré le sujet guerrier, Herrmann a fait une musique ample mais pas pompière et s’est particulièrement plu dans la description des personnages dont il souligne les moindres sentiments et les moindres faiblesses. Herrmann est autant à l’aise dans des thèmes puissants et entraînants que dans des thèmes romantiques ou pathétiques.
L’utilisation de l’accordéon et de l’harmonica, loin de faire démodé, donne au contraire une authenticité à sa musique.
Dans sa pièce de choix « the Turning Point », Herrmann est puissant et donne une dimension épique et grandiose aux combats qu’il semble narrer.
Steven C Smith ajoute :
Neretva’s instrumentation is larger than in any other Herrmann score; in sheer rhetoric it almost makes static film jump. (The London Philharmonic was again used, giving their best performance for Herrmann.) The title theme, a somber Balkan-style hymn set against a furious percussion cadence, immediately creates a sense of rushing momentum that distracts the viewer (at least initially) from the numbing repetitiveness of director Veljko Bulajic’s images. Majestic and terrifying, its expansive melody, orchestrated for low strings and brass, evokes like nothing in the film a sense of war’s tragic waste and the patriotism of Yugoslavia’s partisans. Two previous Herrmann compositions fit seamlessly into the score: the minor-third “murder” device for TornCurtain‘s evil Russians now becomes a signature for Nazis, and the Venetian melody of Herrmann’s clarinet quintet, a spiritual idée fixe for Franco Nero’s Italian captain. Herrmann’s last major motive (there are others for the endless company of fighters) is related to his prelude, except here the neo-Russian hymn is a grinding, deliberately labored march that imparts genuine poignance to the partisans’ exodus across theirhomeland. (The cue is also an excellent example of when to slow images down for maximum effect.)
As Herrmann predicted, all the participants in the battle of Neretva returned to their native lands satisfied with either a propagandist tool or a thicker billfold. The less fortunate critics dubbed the film confused and tedious, and, like most international film ventures, The Battle of Neretva vanished into cinematic obscurity.
Reprises
En outre, en reprenant quelques notes de « Cape Fear » (1962) et de la partition non utilisée « Le Rideau déchiré » (1966), Herrmann prouve qu’il ne perd rien de ce qu’il crée mais il ne cherche pas à faire de la redite, plutôt à fignoler encore.
Pourtant, c’est dans « Retreat » ou « Death of Danica » qu’Herrmann est le plus émouvant et le plus sensible. Même dans ce film de guerre, c’est son coté sensible qui l’emporte.
L’enregistrement est tonique et laisse une grande part aux percussions. Le niveau d’enregistrement est plutôt haut et Herrmann semble vivace.
Autant dire que si le film est peu resté dans les annales, la musique, elle est sublime, puissante entraînante et douce par moments.
Elle figure parmi mes préférées.