Une autrice érudite Alithea Binnie (Tilda Swinton) qui rencontre un génie (génial conteur Idris Alba) dans une chambre d’hôtel lors d’un colloque.
Le génie prisonnier dans la lampe lui propose d’exaucer trois vœux en échange de sa liberté. Alithea qui aime les contes qu’elle connait profondément et dont elle n’ignore pas l’issue se laisse néanmoins porter et séduire par la narration et les récits de ce génie qui ne sont pas aussi merveilleux qu’ils ont été (infidèlement) écrits.
Le Génie (Idris Alba) et Alithea Binnie (Tilda Swinton)
Telle est l’idée saugrenue de départ que Georges Miller réalisateur australien (de génie !) met en scène.
Si on réduit souvent Georges Miller a des couleurs flamboyantes et chatoyantes des plans incroyablement élaborés et une mise en scène qui fait part belle à la narration nerveuse pleine de rebondissements et d’action (Mad Max Fury Road), on oublie le propos qui n’est jamais aussi simpliste qu’il n’y parait.
Babe n’est pas qu’une histoire de petit cochon pour enfants, ni Happy Feet celle d’un pingouin qui veut danser ni Mad Max celle d’un solitaire dans un monde violent. Le génie qui n’a habituellement pas d’autre fonction que celle d’exercer des vœux est ici consistant et complexe. Impossible de deviner vers quoi on est entrainé, tant le réalisateur et l’histoire sont virtuoses, ni la dose d’émotion qui va nous submerger.
Un film qui fait voyager et réfléchir sans effet spéciaux inutiles
Une film qui fait tourner la tête et voyager dans le temps l’espace et les souvenirs
C’est avec une poignée de films (moins de 6) que le réalisateur italien Sergio Leone est entré dans la légende en réinventant un genre (le western) et un mode de narration à la fois épique et violent. Par son style il va engendrer des centaines de films qui reprennent son esthétique et ses “tics” de mise en scène.
Clint Eastwood dans Pour une poignée de dollars (1964)
Sergio Leone qui a d’abord fait des films de commandes (des péplums) va connaitre un succès quasi immédiat et fulgurant avec son premier western “Pour une poignée de dollars” (1964).
Et pour quelques dollars de plus e (1965) et son duel entre deux chasseurs de prime
La renommée du film (et du suivant Et pour quelques dollars de plus), son style narratif et visuel, des acteurs qui vont devenir iconiques (Clint Eastwood) et une musique mythique (Ennio Morricone) vont forger une renommée qui peu à peu va dépasser l’Italie et atteindre même les états unis qui a pourtant inventé le genre.
Le bon la brute et le truand (1966) : du solo au trio
La trilogie des dollars (“Pour une poignée de dollars” (1964), “Et pour quelques dollars de plus” (1965), “le bon la brute et le truand” (1966)), 3 films qui vont marquer l’histoire du cinéma mondial (américain/européen). Pas les premiers westerns (italiens) mais ceux qui vont engendrer des centaines de westerns (européens) dits “spaghetti” (terme péjoratif) de piètre qualité.
Il était une fois dans l’ouest (1968) et un des nombreux westerns (américains) -les voleurs de trains (1973)- qui s’en inspire
A contrario des films de Leone qui vont (re)donner des lettres de “noblesse” au western (si tant est qu’un western soit “noble”) au point que le western américain va aussi s’inspirer du style Leone.
D’abord des histoires de vengeance et de dollars
Avec “et pour quelques dollars de plus” puis plus tard “il était une fois dans l’ouest”, on trouve un des thèmes de Leone: celui de la vengeance (thème récurrent dans le genre western) mais plus marquée par la violence et les duels. Contrairement au modèle américain, cette violence est quand même plus explicite (le sang) mais stylisée.
La vengeance est par exemple le moteur des duels entre les Rodos et les Baxter dans “Pour une poignée de dollars” ou ceux de Blondin, Tuco et le général Mortimer dans “le bon la brute et le truand”. Sergio Leone franchit le pas avec parfois des scènes de torture. En ce sens on peut parler de films pour adultes.
la scène archi célèbre et culte de “Il était une fois dans l’ouest”: Franck et les cache poussières
La violence stylisée est particulièrement évidente dans l’assassinat de la famille par Franck et des cache poussières (“Il était une fois dans l’ouest”), du duel final du “bon la brute et le truand” ou des nombreux duel” de “pour une poignée de dollars”.
On ne peut pas qualifier ou trouver à proprement parler des “héros” parmi les personnages principaux des films de Leone. C’est même presque le contraire : il n’y a que des anti héros (y compris le révolutionnaire irlandais de “Il était une fois la révolution”). Même sous les traits séduisants de Clint Eastwood, “l’homme sans nom” personnage qu on retrouve dans 3 films (la trilogie des dollars) est un personnage égoïste motivé par l’argent. En ce sens le western de Leone se démarque aussi du western “classique” américain qui montre des “héros” sans ambiguïtés. Si le viol était déjà une violence présente dans les westerns hollywoodien, les films de Leone vont parfois loin (nottament dans sa trilogie la plus violente “Il était une fois dans l’ouest”, “Il était une fois la révolution” puis “Il était une fois en Amérique”). Justifiée ou non par une époque violente, elle n’en est pas moins dérangeante.
Le mystère (des ombres du passé), les contradictions (motivées par la motivation du gain) qui entourent ces anti-héros renforcent encore leur coté ambigu (un exemple avec l’homme à l’harmonica – Charles Bronson – dans “Il était une fois dans l’ouest” personnage quasi muet).
L’ambiguïté et le mystère se retrouve également chez les “méchants” (Gian Maria Volonté dans un rôle halluciné ou Lee Van Cliff – colonel Mortimer ou Franck). Une illustration dans le bon la brute et le truand où tour à tour au cour du film les personnages (Clint Eastwood, Elli Wallach et Lee Van Cliff) endossent ces qualificatifs.
Les femmes monnaie d’échange ou source de plaisir (Pour une poignée de dollars)
Inutile de chercher à trouver des personnages féminins (exceptée Claudia Cardinale) fouillés et encore moins flatteur. Dans le western les femmes sont systématiquement des faire valoir toute dévouées à des hommes, des objets de conquête ou de plaisir et des prostituées.
Claudia Cardinale dans un rôle tragique et lumineux
C’est pour le personnage de Claudia Cardinale qu’Ennio Morricone va composer l’un des thèmes les plus célèbres et des plus émouvants de son impressionnante discographie.
Elizabeth Mac Gowern et Jennifer Connely dans la “fresque” Il était une fois en Amerique
On met à part le dernier film de Leone (“Il était une fois en Amérique” (1983)), un film fleuve de gangster où cette fois, des femmes (Elizabeth Mac Gowern, Jennifer Connely) tiennent disons des rôles (un peu) plus fouillés et essentiels (en l’occurrence le même personnage à différentes époques) sans être des faire valoir.
Des paysages vastes et somptueux (Espagne/Etats Unis)
Si les films de Léone sont uniques c’est aussi parce qu’il paraissent authentiques : des personnages crasseux couvert de poussières, des décors naturels (principalement en Espagne puis aux Etats unis), des bâtiments des villes construites réelles “quasi d’époque” (qui se visitent encore aujourd’hui).
Une “ville” construite pour “Et pour quelque dollars de plus”
Les duels de Et pour quelques dollars de plus ne seraient pas “épiques” sans l’atmosphère de cette ville construite (son collaborateur Carlo Simi) pour le film (avec les recettes du film précédent).
Westerns arides et la marche en avant des véhicules “modernes”
Quand on parle du style de Leone, on parle aussi d’atmosphère, une atmosphère aride, sèche et celle des états unis du sud à la fois sauvage fin 17e et au début de l’industrialisation fin 18e siècle (Il était une fois dans l ouest – l’avènement du train et Il était une fois la révolution les premiers véhicules motorisés).
L’harmonica (central) et les chœurs de la partition de Il était une fois dans l’ouest
Quand on parle de Leone, on parle aussi de sa collaboration avec Ennio Morricone et ses 6 partitions aussi mondialement célèbres que réussies (le maesro italien qui ne cesse d’écrire un flot ininterrompu de musique – de films).
La musique de Morricone est un élément essentiel dans les films de Leone comme celle de Herrmann l’est pour Hitchcock. C’est même un élément du scénario (l’harmonica dans “Il était une fois dans l ouest” est central à la fois dans l’histoire et dans la partition) .
Sergio Leone et Ennio Morricone, un duo créatif exigeant et harmonieux
On note aussi que Morricone enregistrait ses partitions sur la base du script et la musique quasi terminée était diffusée sur le tournage des films (méthode reprise aussi par Badalamenti chez David Lynch).
Impossible donc de ne pas apprécier les duels “Léoniens” sans la musique d’Ennio Morricone (citons les duels de Franck et l homme à l’harmonica ou ceux ). Des thèmes musicaux spécifiques sont aussi sont aussi associés à chacun des personnages principaux ce qui à la fois les caractérisent (voir les thèmes doux pour Claudia Cardinale) et les rend aussi reconnaissables même hors champs.
Il était une fois la révolutions et ses thèmes musicaux déchirants
L’émotion est ainsi véhiculée par la musique magnifique (les thèmes déchirants de Il était une fois la révolution) pourtant dans des histoires violentes, dramatiques et sombres.
Le montage célèbre de la scène du cimetière
Le temps est un thème majeur chez Leone, d’abord dans sa façon de filmer : ses plans sont étirés et de monter le films des scènes longues et les films dépassent quasi systématiquement les 2h30 ce qui est unique pour ce genre de films.
Des films qui alternent des scènes d’attentes, d’expositions, d’action, de suspense et des fulgurances.
Leone joue avec le temps dans des scènes qu’il étire parfois jusqu’à la rupture avant de les clore subitement dans une forme de délivrance ou de mort. C’est particulièrement évident dans les duels au pistolets qui jalonnent tous ses films et dans la scène d’ouverture de Il était une fois dans l’ouest.
Le pouilleux qui va devenir un homme “bon”
Leone joue avec le temps avec des nombreux flashback: la mémoire le passé nourrissent les vengeances mais aussi l ambiguïté des personnages (certains ont été “bons” avant de sombrer dans la violence et la vengeance). Le temps est un thème majeur chez Leone, d’abord dans sa façon de filmer: ses plans sont étirés les scènes longues et les films dépassent quasi systématiquement les 2h30 ce qui est unique pour ce genre de films. Leone joue avec le temps dans des scènes qu’il étire parfois jusqu’à la rupture avant de les clore subitement dans une forme de délivrance ou de mort.
C’est particulièrement évident dans les duels au pistolet qui jalonnent tous ses films et dans la scène d’ouverture de Il était une fois dans l’ouest.
Il était une fois en Amérique (1984) un grand film nostalgique
Leone joue souvent avec le temps à travers de nombreux flashback: la mémoire du passé n’est pas nostalgique et nourrit les vengeances et accentue l’ambiguïté des personnages (certains ont été “bons” avant de sombrer dans la violence et la vengeance). A l’exception de “il était une fois en Amérique” où c’est la nostalgie, le regret le pardon qui dominent.
Ses films sont longs (2h30 en moyenne) mais jamais répétitifs ni ennuyeux. On reconnait immédiatement un style mille fois imité. ses histoires semblent basiques (ses péplums, ses premiers westerns) mais sont souvent mythologiques (Pompei, les 7 samourais/Pour une poignée de dollars) et épiques (l’avènement du rail, la révolution mexicaine, la guerre de sécession américaine, l’histoire de l’Amérique).
“Et pour quelques dollars de plus” est mon Sergio Leone préféré suivi de Pour une poignée de dollars, il était une fois dans l’ouest, le bon la brute et le truand et Il était une fois la révolution. “Il était une fois en Amérique” est à part.
Le Colosse de Rhodes (1961)
Il y a beaucoup de scène cultes dans le cinéma de Sergio Leone. On pourrait retenir celles ci.
Le Duel Final dans “Le Bon, la Brute et le Truand” (1966)
Au fil du film “le bon la brute et le truand”, les mano à mano à distance succèdent entre les 3 protagonistes à la recherche d’un coffre d’or. Ca devait inévitablement aboutir à un duel final à 3 ainsi que la découverte de la cache au trésor. Dans le décor de ce cimetière (créé pour le film mais qui se visite encore aujourd’hui), un duel mémorable chorégraphié et mise en musique avec brio.
L’Ouverture de “Il était une fois dans l’Ouest” (1968)
Étiré sur quasi 15 mn, l'”ouverture” symbolise tout le style de Leone (et cristallise aussi ses détracteur). Leone voulait reprendre ses trois personnages et acteurs du “bon la brute et le truand” (Woody Stroode, Gabriele Ferzetti et Jack Elam) clore sa trilogie des dollars et entrer brutalement dans la trilogie des Il était une fois ….. L’attente interminable, l’atmosphère pesante, puis la scène de duel (l’arrivée du train puis l’harmonica sont le signal de départ) devient culte.
Les duels de “Il était une fois dans l’Ouest” (1968)
Histoire de duels (épiques) et de vengeance, “Il était une fois dans l’ouest” est aussi la fin d’une “époque” symbolisé par Frank mais surtout une question mystérieuse: que relie Frank et l’homme à l’harmonica ?.
Les duels de “Et pour quelques dollars de plus” (1965).
Les duels des chasseurs de prime de “Et pour quelques dollars de plus” sont “classiques” mais jouissifs. Notamment les duels (à distance) entre les deux chasseurs de prime (Clint Eastwood et Lee Van Cliff), ponctuées des moments (et répliques) drôles avec des plans improbables (caméra au niveau des chaussures ou au niveau de la main du tireur), un montage alternant des gros plans et des plans larges, des scènes étirées avec des fulgurances: le style Leone par excellence.
La scène du pont de “Il était une fois la révolution” (1971)
James Coburn et Rod Steiger duo improbable de “Il était une fois la révolution”
la mise en scène épique de Sergio Leone, le suspense, la comédie (James Cobun et Rod Steiger, personnages que tout oppose) et la musique d’Ennio Morricone font de la scène du pont un moment grandiose de cinéma.
Django de Sergio Corbucci avec Franco Nero (1966)Franco Nero Django
S’inspirant du cadre, du montage, des mêmes acteurs poisseux, de la même musique, les western de Leone vont générer une quantité innombrable de films (souvent médiocres) “comme”, “des enfants monstrueux” comme disait Leone.
Le mercenaire (1968)Mon nom est Personne (1973)
“Pour une poignée de dollars” et les suites, films italiens, révèlent aussi Clint Eastwood à un large public et “consacrent” des acteurs américains venus chercher une renommée en Europe (et des cachets) (Elli Wallach, Lee van Cliff). Rendant “son” hommage au western Hollywoodien, Sergio Leone engage Henry Fonda et tourne dans la monument Valley (“Il était une fois dans l’Ouest”) aux Etats Unis.
Quelques exceptions à ces westerns “spaghetti” médiocres toutefois avec les westerns de Sergio Corbucci et le western “Mon nom est personne” (1973) de Tonino Valerii (Ses collaborateurs) souvent attribué à Sergio Leone lui-même. Les westerns américains guère mieux avec plus de moyens.
Un hommage réussi au western de Leone “the quick and the dead” (1995) de Sam Raimi
En 70-80, Leone est devenu mondialement célèbre et tournera son dernier film aux Etats Unis avec des acteurs renommés (Robert De Niro, James Wood).
Robert De NiroJames Wood“Derniers” anti-héros léoniens (“Il était une fois en Amérique”)
Par la suite le western “hollywoodien” va aussi puiser dans le style “Leonien” jusqu’à la fin du genre vers 1975. Citons aussi les références de Clint Eastwood acteur/réalisateur au cinéma et aux personnages de Leone.
L’homme des hautes plaines (1973)Impitoyable (1992)Les hommages/références de Clint Eastwood à Sergio Leone
Sergio Leone n’a pas pu tourner beaucoup de films (il pensait s’attaquer à d’autres genres) mais son talent est grand et ses films restent encore des classiques aujourd’hui.
L’ultime Razzia (1956) 4/5 Bien sur, si on compare avec les chefs d’œuvre (pratiquement tous ses films suivants) de sa carrière, L’ultime razzia n’a pas toutes les virtuosités de la mise en scène, les scènes chocs et l’histoire qui nous questionne encore en encore une fois le film terminé.
Pourtant, en plein age d’or du genre “film noir”, c’est un film qui sous son air classique (un braquage, un homme qui sort de prison et veut faire un dernier grand coup), se démarque car il propose des trouvailles : la narration qui fait de constants va et vient dans le passé guidé par la voix off et le minutage de l’horloge, le fatalisme et le destin tragique de ses personnages principaux, la mise en scène qui gratifient (déjà) des travelling somptueux, des plans circulaires, et des caractéristiques du style Kubrick, le masque de clown, la photographie (Kubrick était initialement un photographe).
Kubrick va aussi trouver en Sterling Hayden (tout comme Kirk Douglas) un acteur brillant qu’il va réutiliser (peu habituel) dans un autre de ses films.
Le film et son réalisateur vont donc inspirer des générations de réalisateurs et hanter les spectateurs par le coté tragique de ses histoires.
Dennis Hooper en plus d’une carrière d’acteur était aussi un réalisateur hors norme qui a réalisé une poignée de film marqués un regard unique. Catchfire et Hotspot sont deux polars basés sur des histoires de facture classique. Jodie Foster dans Backtrack est sublime traquée, fragile puis .
William Friedkin aura traversé des décennies de cinéma avec des films chocs. Il choisit des sujets diversifiés souvent sombres et violents auquel il apporte des éléments de réflexion et un sens du réel. Passé par le documentaire, ses films ont un montage efficace débarrassé de fioritures, allant à l’essentiel, très étayés par des détails empruntés au réel et surtout une mise en scène nerveuse et frappante. Sa direction d’acteurs est exigeante parfois même conflictuelle.
Parmi ses œuvres marquantes, il y a bien sur “French Connection”, “l’exorciste” deux films qui engendreront moults variations.
La double Vie de Véronique de Kieslowski : références et extraits.
Autant le dire tout de suite (en toute subjectivité) “La double de Vie de Véronique” de Krzysztof Kieslowski est un chef d’œuvre. A mes yeux (de cinéphile), on ne touche pas à un cheveu de ce film (sauf pour une restauration de la pellicule) ni à Kieslowski (qui a mis toute ses forces créatives) ni à Veronique/Veronika/Irène Jacob (dans quasiment son premier “premier rôle” ) ni à Preisner (auteur d’une partition lumineuse) ni à Krzysztof Piesiewicz (co auteur de cette histoire à tiroirs et de la quasi totalité des scenarii de Kieslowski).
Un film porté par une musique somptueuseUn film aux multiples reflets
N’en jetez plus: on pourrait en citer encore des qualités. Le film est porté par la grâce: le revoir, c’est apprécier de nouvelles facettes, d’autres détails. On ne s’en lasse pas: on se prélasse.
Veronika (son reflet ou Véronique ?): La double vie de Véronique/Veronika
J’entends dire que l’histoire (il n’y en a pas !) est compliquée, que le scénario emboite deux films indépendants, qu’à part Irène Jacob, trop d’acteurs sont statiques. C’est indéniable: le film n’est pas du tout venant. L’histoire déroule plus qu’elle ne coule . Certains acteurs parfois jouent leur rôle comme dans la vie (Kieslowski qui a fait beaucoup de documentaires avec des acteurs amateurs aime aussi l’authenticité et la crédibilité). Il faut se laisser porter, regarder, écouter, s’émerveiller et se laisser emporter.
Véronique/Veronika/Irene Jacob Une histoire lumineuse
Le film est lumineux, sensible, poétique, envoûtant porté par la grâce d’Irène Jacob (prix interprétation à Cannes en 1991) et la musique de Preisner. C’est du moins ce qu’on peut ressentir à la première avec des yeux de 22 ans en 1991 (et certainement ce qui a déclenché l’enthousiasme du jury de Cannes).
Un film musicalIrène Jacob (elle même chanteuse)
“La Double Vie de Véronique” (originellement “La choriste”): une histoire (d’amour ?) sous forme de conte, mise en scène à base de trouvailles visuelles (la caméra qui flotte comme une notre de musique ou se contorsionne), de renvois (de Véronique à Veronika) et d’auto références (la vieille femme, le sachet de thé, les plans) à l’univers cinématographique et visuel de Kieslowski.
Veronika et une histoire d’amour ?Veronique et une histoire d’amour ?
Oui Kieslowski a un style identifiable et dès lors tout semble partir et revenir à ce film (il ne tournera que 3 films par la suite et 3 films inachevés). Kieslowski avait aussi prévu de tourner des variations du film avec des fins différentes: on comprend que le sujet est complexe et inspirant.
Des plans type Bleu (1992) ou Rouge (1993)Un personnage et des variations
Certes, c’est un film unique, probablement déroutant au sens où on est entraîné (dérouté) sur de nombreuses pistes (deux histoires apparemment distinctes) avec par exemple l’apparition du magicien et des poupées (film miroir et film à tiroirs). Choriste, professeure de musique: les miroirs et les facettes d’un même personnage. Poupée, ballerine: un personnage de conte incarné et décliné ? Véronique/Veronica à la recherche de l’amour et d’elle même ?
La ballerineLa ballerine et son reflet
Le film est donc aussi une énigme qui rentre dans la catégorie des (chefs d’) œuvres qu’on aime sans (s)avoir toutes les réponses à de nombreuses questions. L’une d’elle est notamment celle (fondamentale ou inutile ?), posée par le titre (“La Double vie”): Véronique/Veronika sont elles jumelles, une seule et même personne ou deux inconnues reliées par un fil invisible. Comme on dit aujourd’hui, nous allons (par la suite) spolier.
Si on regarde (attentivement) le film (et particulièrement la fin des deux segments – Segment 1: Veronica et Segment 2 : Véronique), en premier lieu, la réponse semble évidente mais semble contredire le titre.
Segment Veronika: elle remarque Véronique
Veronika remarque VéroniqueVéronique monte dans le bus
Segment Veronika: Véronique ne la remarque pas (vraiment).
Véronique voit elle Veronika ?Veronika voit Véronique
Segment Véronique : elle voit la photo qu’elle a prise de Veronica par hasard
La photo de VeronikaVéronique découvre la photo de Veronika
Véronique et Veronika ont des points communs évidents à commencer par la ressemblance, par le gout de la musique ou dans le détail chacune par des problèmes cardiaques (plus marqués chez Veronika).
Veronika a une insuffisance cardiaque Véronique (et la cigarette au cinéma !)
Pourtant pas besoin d’aller cher bien loin pour voir des éléments qui peuvent relativiser voir contredire ce qu’on pense acquis. Les réalisateurs sont aussi (et d’abord) des manipulateurs des magiciens et des conteurs.
Véronique et les deux poupées (ou la poupée et son double)Véronique et sa poupée
Autant dire qu’on est est bien dans la catégorie de l’œuvre universelle, culte, celle qui se contemple et s’écoute, qu’on ne comprend vraiment mais qui nous émerveille encore (et nous quitte avec des interrogations et ce gout de revenez y).
Un film poétique
Il est temps de se remettre à la lecture et au visionnage du film pour en découvrir de nouvelles saveurs.
Veronika/Irène Jacob (partie polonaise)
La double vie de Véronique est un film en deux parties la première partie en Pologne avec Véronika à la deuxième partie Clermont-Ferrand avec Véronique .
Véronique Irene Jacob / Philippe Volter (Partie Française)
Mais re plongeons nous dans cette œuvre.
Dès le générique, toute l’atmosphère de conte, la lumière (proche du rêve) et la grâce opère et on commence à suivre Veronika.
Les diaboliques est un thriller glaçant admirablement mis en scène par Henri Georges Clouzot en 1955 sur un scénario de Boileau et Narcejac (Celle qui n’était plus – 1952).
Les diaboliques poster
Un film glaçant (malsain ?) avec un minimum d’effets spectaculaires. Une mise ne scène implacable pour un scénario diabolique . Un cadre étouffant, un homme tyrannique, un duo de femmes déterminées, un détective privé tenace un meurtre et un mystère. Tels sont les ingrédients de ce film excellent et unique.
Des couloirs de la noirceur et de l’effroi
Dans un pensionnat de garçons, le directeur (Michel Delassalle/Paul Meurisse) dirige l’établissement de main de fer et agit de la même manière tyrannique avec tout son entourage, sa femme institutrice (Christina/Vera Clouzot) et sa maitresse (Nicole Horner/Simone Signoret).
Les deux femmes, l’épouse et la maîtresse, sont proches l’une de l’autre (lesbiennes ?) unie contre la haine de Michel. L’une est fragile, l’autre est forte et elles vont s’unir pour éliminer Michel.
Christina/Nicole le duo diabolique
Derrière cette trame classique, le récit nous plonge littéralement dans l’angoisse, le suspense voire la terreur qui nous tiennent en haleine tout au long du film jusqu’aux ultimes minutes.
Henri Georges Clouzot réputé lui même pour son caractère dur (y compris pour sa femme Véra Clouzot), pour sa précision quasi maniaque a créé un ambiance pesant.
Henri Georges ClouzotTournage
Le réalisateur a exigé de tourner et retourner les scènes créant une ambiance de travail éprouvante un peu à la manière de Stanley Kubrick sur le tournage de “Shining”.
On imagine combien le sujet est inspirant, le résultat est sans conteste à la hauteur mais au prix de difficultés personnelles et physiques.
Pierre Larquet, Michel Serrault des personnages plus légers
Si le trio (antipathique) Michel/Nicole/Christina est omniprésent, les seconds rôles sont très bien écrits (mention au jeune Michel Serreau), Pierre Marquet, Noel Roquevert et surtout Charles Vanel dans le rôle du détective privé à la retraite Alfred Fichet (dont le lieutenant Columbo/Peter Falk trouve l’inspiration) qui apportent un peu d’humour et de respiration.
Le détective Albert Fichet (Charles Vanel)Alfred Fichet et tous les petits détails
Les Diaboliques est aussi un film noir (seuls les enfants sont lumineux) pour la noirceur de ses personnages et sa photographie sinistre.
L’utilisation minutieuse de décors authentiques est l’autre atout pour nous plonger dans l histoire. On ne verra plus une piscine, un couloir de la même manière.
Les piscines qu on ne verra plus pareil
On en vient à être effrayé par ces ombres, ces longs couloirs (à la manière de David Lynch dans “Twin Peaks” ou “Mulholland Drive” ou Shyamalan dans “le 6ème sens” ou le film “les autres”) et ces vitres nous glacent.
Des vitres et des ombres
Inutile de voir le très mauvais remake (pompé sur l original) “Les Diaboliques” (1996) avec Adjani et Sharon Stone (laissées à l’abandon). Il n’a pas pour seul but que d’énumérer toutes les erreurs rédhibitoires pour réaliser un excellent film (la couleur pour un film noir! des actrices iconiques mal dirigées, des jolis plans mais inutiles, des effets ratés) et souligne encore le talent de Henri George Clouzot et son équipe.
La piscineSharon Stone et Isabelle Adjani“Les Diabolique” (1996) : n’est pas Henri Georges Clouzot qui veut
Il n’y a qu’un seul Diabolique et c’est celui qu’il faut (re)voir sans lire la fin !
Véra Clouzot harcelée sur le tournage et dans le personnageUn film qui inspire l’effroi