2014 – Mai : Mons ( et merveilles) 2ème partie : De la recherche à l’action à la recherche

Au cas où vous ne le sauriez pas, dans un colloque AIPU, il y a un thème, des intervenants et un agenda.

Dans le fascicule remis avec une séduisante sacoche grise griffée AIPU, on peut lire que Mme Epiphanie Patrailongo et Lockmickael LochNess interviennent le premier jour. Ca commence donc fort et sous les meilleures hospices (bien que les lieux ne ressemblent pas à un cloitre).

Connaitre la dame, le lieu et l’heure c’est bien mais l’endroit ne se devine pas même en lisant l’agenda dans ses grandes lignes ou entre les lignes. Il faut passer par l’accueil.

Mr Epiphanie Patrailongo avait suivi in extrémis la dernière prestation d’Ephiphanie à Trois Rivières au Québec deux ans plus tôt.  Mais il s’en était fallu d’un rien que l’intervention soit manquée.  Car le jour précédent l’intervention, dans un costume pourtant taillé pour l’occasion, il avait pris une veste à l’accueil de l’AIPU 2012.

– (accueil AIPU 2012) : Bonjour tu vas bien ?
– ( boulotteur sans accréditation (badge + sacoche + gobelet verseur)) : Bonjour Madame, j’ai rendez vous avec ma dame.
– (Accueil) : Ton nom ?
– (FL) : Mr Firmin Lopin.
– (Accueil) : Ah non je ne t’ai pas sur ma liste ! Bienvenue !

S’il est normal de se faire bouler sans accréditations en tentant de boulotter avec une dame entre deux séances de boulot, c’est en gobant mes goberges à l’hôtel, que je me suis dis que pour être crédible, il ne fallait pas mentir. Plutôt que de gamberger pour inventer des salades, sans vraiment  bachoter, je prenais quelques informations sur le sujet.  Certes  après une soirée entre universitaire on finit par attraper quelques mots de vocabulaire mais de là à en faire une phrase sociologiquement cohérente, non mais ça devrait suffire pour passer l’accueil. A l’attention des sociologues en herbe,  qu’ils ne se méprennent pas : attraper quelques mots au vol, comprendre même des bribes de phrases, ne suffit pas à structurer un raisonnement sociologique.

– (accueil AIPU 2012) : bonjour tu vas bien ?
– (Firmin Lopin, 2ème tentative) : Bonjour, je m’appelle Mr Epiphanie Patrailongo et je viens voir ma femme dans une démarche de recherche sur un questionnement éducatif.
-(accueil) : Payetringlongueone,  vouis j’ai ce nom sur ma liste.
– (FL) : vous voulez mon passeport ? (euh euh euh,  passeport tout à fait en règle !)
– (accueil) : ça ira, présentes toi à la porte H. 2ème étage. Bienvenue !

Et  j’étais parvenu à entrer pour assister à la fin de sa conférence.

Au colloque de Mons, je décide d’utiliser la même démarche.

– (Mr Epiphanie) : Bonjour, je cherche la salle de la conférence de Mme Epiphanie Patrailongo pour suivre ma femme.
– (accueil AIPU de Mons 2014) Bonjour, voui (regard de pied en cape à la recherche d’un badge, d’une magnifique sacoche siglée AIPU ou d’un bock capable de maintenir un café chaud tellement longtemps qu’on peut se  bruler à 14h avec  le café de 9h ! ), je regarde mon registre (slurp slurp, doigt humecté, première page), non professeur Vandebrook, pas ça, docteur Vandepute, maitre VandeBruges c’est pas ça (pages qui se tournent), ah non je n’ai personne de ce nom là, une fois !
– (Mr E.) : C’est ma femme qui présente, je suis sur qu’elle est là puisque je suis là et j’aimerais bien suivre sa conférence.
-(accueil 2014) (doigt humecté, pages qui se tournent -), eh dis donc Yacinthe, (à l’oreille de son collègue) psssi pssssi, …. le monsieur, c’est sa dame , pssi pssi
-( Mr E.) : c’est à 14h
– (accueil, regard noir) ben oui mais je ne vois rien, tiens (tendant le registre à Yacinthe) tu vois queckchose ?
– (Yacinthe lui tend un autre registre) : attend faut regarder la d’dans, c’est arrivé ce matin.
– (Accueil fumée qui sort par une oreille) : ah ben d’accord, déjà un erratum et on n’est que le deuxième jour, on me dit jamais rien à moi, c’est comment vous dites son nom déjà ? Mme VehiculoLongo et Mr EliotNess ?
-( MS) : Patrailongo et elle présente avec Mr Loch Ness
– (doigts humectés) attendez attendez, oui ça y est je vois , Mme Epiphanie Patrailongo et Mr Lockmickael Loch Ness, salle C3, c’est simple, c’est par là une fois et vous tournez deux fois, une fois !

La salle C3 (C comme çalle) n’est pas en briques rouges comme de coutumes mais en parpaings gris brut. Est ce une facétie artistique de l’architecte (pas au courant des coutumes locales) ou le budget construction qui a tourné court suite à des dépassements casse croute, toujours est il que c’est bien là. Dans la salle, il y a un écran LCD et à coté un maitre de cérémonie, qui lui n’a sans doute jamais pris de LSD.  La salle est ensoleillée et le maitre n’est pas né de la dernière pluie.

Le maitre est content d’être là devant ces tables en enfilade et ces chaises peu confortables garnies de conférenciers.  Je me glisse discrètement à une place au fond sur une chaise inconfortable mais hors de portée de la vue périphérique du maitre.  Le maitre me fait penser à mon prof de math en math sup, tous sourires aussi mais lui aurait repéré tout de suite l’intrus dans sa classe.  Ce prof de math avait une barbichette au cordeau façon Trifon Tournesol , un costume gris, une cravate sombre (cravate repliée à l intérieur de la chemise pour éviter de la tacher avec de la craie !) et une boite de craies neuves dans la pochette gauche de sa chemise. Les boites de craies neuves étant consciencieusement rangées dans le premier tiroir avec la règle et le rapporteur en bois. Ce professeur avait une déconcertante facilité à enquiller sans sourciller les démonstrations en utilisant tous les tableaux mis à sa disposition.

– (Prof de math – sur le premier tableau) : d’après le théorème de la convergence uniforme de Dirichelet. (cruic cruic bruits de la craie) on simplifie l’énoncé,  si je prends la dérivé seconde, bon là vous aurez reconnu le corollaire du phénomène de Gibbs,  je pose l’équation sous sa forme différentielle (cruic cruic zzzzziiiii), il devient évident qu’on fait apparaitre la série de Fourrier (deuxième tableau, cruic cruic , clac – craie qui casse, zzzziii, zzzzziiii, cruic) et là plus besoin d’aller plus loin pour obtenir notre résultat (nouvelle craie et troisième tableau). (Perplexité pour les uns, admiration pour les autres) Bien sur, si ça vous amuse vous pourrez utiliser l’autre méthode dite de Hilbert qui consiste à placer nos hypothèses, (cruic) là et (cruic) là, dans une matrice à n dimensions, projeté dans l’espace préhilbertien, et la aussi le résultat est évident et je n’ai utilisé dans cette méthode que 2 craies (euh euh euh). Je vous laisse trouver la troisième méthode, vous avez 1h30 mn (bong !).

Mais le maitre de cérémonie est plutôt un maitre de thèse ou un professeur d’université agrégé depuis longtemps. Recroquevillé sur ma chaise comme une moule, je n’ai pas plus la frite surtout  que ce n’est pas de la petite bière.  Je me fais discret.  C’est quand l’oiseau de haut vol présente l’agenda de la séance que je comprends que ca va planer haut.

La première intervenante est bien enthousiaste et son intervention se présente sous la forme d’une question somme toute intéressante qu’elle se propose de répondre à la fin.  De ce que je comprends il s’agit de savoir dans quels cas utiliser la recherche fondamentale et dans quels cas la recherche appliquée et que cette question s’est posée à l’école ou elle enseigne.

– voui (clic clic – souris pour faire défiler ses animations), reprenons la définition de …, ce qui nous amène, …
Bon malgré l’absence d’une dérivé seconde et d’une bonne intégrale triple, la démonstration semble se défendre. Le maitre concentré et détendu garde un œil vigilant sur le chronomètre. A coté de moi, plus raides sur leurs chaises, Mme Epiphanie Patrailongo et Mr Lockmickael LochNess sont confiants et suivent la présentation tranquillement.  On les dirait sereins et prêts pour une présentation de haut vol. En tout cas, nullement embrouillés dans les champs d’applications de la recherche appliquée aux fondamentaux de la recherche fondamentale.

Le maitre regarde son chrono fait un petit signe discret à l intervenante pour lui signaler que maintenant c’est  une séance de questions.

« Si vous avez des questions ? ». Parfois on se demande si ce n’est un jury de patinage qui donne des notes.  C’est la Tunisie qui prend la parole puis le Québec  et la Belgique :
– (Belgique) voui alors chère collègue j’ai bien compris la démonstration et ce qui me semble fondamental et fascinant c’est que cette démonstration s’applique à cette recherche, une fois.  Et je me risque euh euh euh à cette question un peu triviale, est ce que cette recherche s’applique à la recherche mais de manière fondamentale ?
Je ressens que Epiphanie et Lockmickael connaissent la réponse (psssi psssi psssi) mais n’en font rien.

Bon dans cette première intervention, c’est la tunisie qui a ouvert le bal, c’est au tour de la France d’entrer dans la danse.  “De la recherche à l’action …. à la recherche”. Derrière le titre de cette conférence qui pourrait faire penser à l’esprit simple qu’on s’apprête à tourner en rond, il y a un vrai show.

Si on poursuit l’analogie du patinage, on va dire que les deux, Mme Epiphanie Patrailongo et Mr Lockmickael LochNess ont patiné toute leur vie ensemble.  En fait ca ne patine pas vraiment, ça démarre très vite, ça glisse, c’est fluide, ça virevolte, pas d’à-coups. Le maitre ne reste pas de glace devant ces deux patineurs du mot.  Le discours est clair, précis, sans hésitation et emballant. Ce n’est pas le style du maitre de se mettre à faire la holla à chaque ponctuation mais on le voit opiner du chef se délecter et être embarqué par un certain enthousiasme. Le duo est bien rodé, les phrases s’enchainent, ça s’emboite bien, quelques traits d’humour sont ajoutés et clic clic clic les diapos s’enrichissent, il a des boites qui tombent des flèches qui traversent. Coté diaporama on est dans l’oeuvre d’art, le genre tableau qui se dessine sous nos yeux.

– (le maitre) : bien bien, on termine exactement dans les temps et les questions se promettent d être passionnantes !.
Et pour le jeux des questions, le duo s’en tire facile.
(à la question du belge) :  vouis tres cher confrere, c’est une excellent question. Notre méthode n’est pas infaillible et à intervalles fixes, on repasse de l’action à la recherche suivant 3 axes et de le a recherche à l’action avec 3 leviers.
(à la question suisse) :  j’ai noté 3 points dans votre question, très cher confrère …. et un jour un ministre nous a posé cette même question sur le retour de notre action et je ne lui ai pas répondu par une étude en 3 volets et 20 axes mais par un étude statistique basée sur des questionnaires annuels. On ne l’a pas attendu pour se poser les bonnes questions. … et si vous me permettez,  je vois euh euh euh une quatrième question …
Le maitre de cérémonie est aux anges.
– Ah je vois que ce débat vous inspire, mais malheureusement on n’a que 30 mn mais je suis sur que vous allez  poursuivre ces fascinantes discussions autour des nombreux rendez qui nous restent encore et mes chers confrères il s’agira de passer à l’action sur cette recherche (euh euh euh) de Mme Epiphanie Patrailongo et Mr Lockmichael LockNess.

Le maitre de cérémonie est joyeux.
– Voui, mes chers confrères, je vois que cette intervention ouvre pleins de débats fascinants. Et maintenant nous allons accueillir un groupe de travail international formé de 11 thésards qui se sont enfermés pendant 4 ans dans une maison loin du tumulte afin de réfléchir sur l’enrichissement mutuel appliqué à la méthodologie de la thèse.
– (deux rescapés) : Bonjour mes chers confrères, nous allons bien, nous travaillons 17 heures par jour à discuter et nous profitons des séances de vie collective (vaisselle) à faire murir nos concepts puis nous avons des séances d’hypnoses pendant le sommeil. Nous allons bien, nous finissons notre première séance de 4 ans et après nous pourrons commencer notre thèse. Tout le monde va bien, tout va bien.

Après  le triomphe des deux patineurs de l’action, la suite quoique fort intéressante avec les deux échappés du cloitre du coup est moins enthousiasmante. A un moment donné, je me demande s’il n’y a pas de fautes sur les transparents. En fait non, c’est simplement des mots de vocabulaire que je ne connais pas.

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