Cette première nuit italienne était chaude et moite comme une vieille mangue pourrie.
Rome Fumicino était dans le dos et je commençais à fumer.
A bouillonner même.
Mais intérieurement.
Sans vague.
Comme lorsqu’on jette des pâtes crues dans une eau frémissante.
Il n’y a que dans les films qu’un jeune homme prend en auto stop
un homme dont le passe temps est de trucider l’automobiliste.
Façon “Hitcher”.
Ce serait aussi une pure fiction que le minable à casquette,
dans le merdier de sa boite à gants, planque un flingue.
Ayant quelques talents pour énerver l’abruti de base,
je pensais qu’il valait mieux me contenir pour ne pas agiter
la petite guouape.
Ceci dit, je n’allais pas passer la nuit dans ce faux taxi minable.
A 80 sur l’autoroute, on se trainait.
Ca défilait à gauche et à droite.
On quitta l’autoroute.
L’ambiance était gelée.
Il y avait un stade.
Des gens en sortaient.
On était dans une route sombre.
Sur le trottoir, il y avait des filles qui faisaient le tapin.
Ah elle était belle la soirée italienne.
Comme un vulgaire merlan,
je m’imaginais débarqué sur le trottoir.
Une première nuit perdu dans faune aquatique.
Au lieu d’intégrer un pieu recommandable.
Ca ferait bien dans les gazettes du lendemain.
Il était hors de question d’en rester là.
Calme mais déterminé, je haussais ma voix d’un ton en visant le gars.
“Return to the airport”.
Le gars bascula d’un coup en italien.
Mis à part le “Non e possible” et une foule de détails destinés à m’embrouiller,
Je comprenais surtout que le gars aller s’accrocher à son pigeon.
Ce qu’il y a de remarquable chez l’abruti, c’est sa constance.
Infatigable, endurant.
Bref dans une telle situation, à moins de peser deux fois plus lourd
et de balancer une grosse claque ou un bourre pif,
il n’y a que le pognon qui fasse réfléchir l’abruti.
Je me suis dit qu’il fallait lâcher un peu de flouz.
Je pris un billet que j’étalai sur le tableau de bord.
Avec 20 euros, le gars s’illumina.
Il recommença à discuter un peu pour négocier, l’essence, le déplacement.
Finalement il me dit “OK”.
En soupirant et en faisant mine d’être navré.
Tandis que le minable faisait demi tour à l’arrache,
je soufflais intérieurement.
On fila fissa à l’aéroport.
Mais le temps de revenir, il se passa encore une bonne demi heure.
On ne disait plus rien.
Je regardais l’heure.
Je me disais que je n’aurais peut être plus de taxi.
Ni d’hôtel.
Peu m’importait de passer la nuit dehors.
A 5 heures du mat, il y aurait bien un taxi pour rejoindre l’hôtel.
En arrivant à l’aéroport, je sortais de la guimbarde.
Le malveillant me prédisait une mauvaise nuit.
Il tentait encore sa chance de me récupérer.
J’étais déjà passé à autre chose.
J’avais le numéro de l’hôtel.
Il était tard pour appeler.
Pour leur dire quoi.
L’aéroport était maintenant fermé.
La file des taxis vide.
Je me ruais sur un groupe de personne, à la recherche d’autres taxis.
Et puis le coup de chance, un taxi arriva avec sa petite loupiotte.
Un Renault, un espèce d’utilitaire.
Son client descendit du taxi et paya la course.
J’accostais le chauffeur qui allait repartir.
C’était un barbu, l’air tranquille un peu fatigué.
C’était un vrai taxi driver cette fois.
Il ne cherchait pas à m’agripper.
Je lui demandais s’il pouvait m’emmener à Rieti.
Je lui proposais de le payer en liquide,
Une centaine d’euros.
J’avais l’argent.
Il vit les biffetons et accepta.
Il me fit passer à l’arrière, enclencha son débitteur.
Mis la radio.
J’étais maintenant tranquille.
J’appelais l’hôtel pour le dire que j’arrivais.
Le “portier” dit OK.
Sans plus.
Le barbu regarda son plan.
Sa conduite était tranquille.
Je commençais à me détendre.
Mais pas au point de m’assoupir.