Retrouver la série twin peaks, c est comme retrouver une ancienne connaissance amie.
On comprend pourquoi, encore maintenant, des « conventions » des « colloques » se déroulent chaque année.
Des fans retrouvent les lieux de tournage, les objets, les acteurs de la série et les épisodes.
La série est marquante.
La visionner aujourd’hui alors qu’elle a près de 25 ans, c est dangereux pour le mythe.
Certes, l apparence physique des acteurs rappelle les années 90.
Mais ses aspects intemporels et universels font qu’elle reste encore passionnante et originale.
La copie que nous avons entre les mains est entièrement restaurée.
Le son est somptueux.
Calé dans un fauteuil avec un feu de cheminée ardent qui illumine la pièce sombre.
Grand écran. Plafond boisé.
On se retrouve bien immergé dans la série.
Des les premières notes de Badalamenti, la magie opère toujours.
Quand on a 40 ans, les centres d intérêt ne sont plus les mêmes qu’à 20 ans.
Les histoires de jeunes adultes m’intéressent moins en 2013 qu’en 1991.
J’ai un regain d’intérêt pour les trames des personnages plus vieux.
Du coup, je découvre des nouveaux coups tordus du triumvirat Ben Horne/Catherine Martell/Josie Packard,
Je m’intéresse plus aux aléas de Ed/Norma.
Je comprends mieux les ramifications des histoires avec les frères Renault et la police canadienne.
La version originale gomme légèrement l’humour de la version française
(qui a été ma première version à la télé sur la chaine 5).
Mais on se délecte autant des émerveillements alimentaires de Cooper avec le sherif Truman.
Ses cocasseries, son étrangeté avec Hank, Andy et Lucie qui restent souvent ahuris mais émerveillés.
Mais la version originale rend aussi moins niais certaines histoires des “jeunes” : (Donna avec James, Donna avec Harold Smith).
J’ai le souvenir de la première diffusion que chaque épisode apportait son lot d humour d’étrange et de belles filles.
Des belles filles il y en a plein.
Le format de la série « grand public » fait que les réalisateurs jouent avec la censure américaine.
Pas de plans osés.
L’étrangeté est surtout apportée par le scénario et par les épisodes réalisés par Lynch.
A juste titre, il y a 25 ans, je frémissais d’avance aux épisodes de Lynch.
Aujourd’hui on se rend compte que Lynch amène toujours des scènes magistrales, étranges et décisives pour l’histoire.
Mais les autres réalisateurs/réalisatrices ont apporté la touche très humaine aux personnages et aux histoires secondaires de la série.
Parce que le détail est aussi important que l’essentiel, la série est aussi une réussite collective.
Lynch ne voulait pas révéler le meurtrier de Laura Palmer mais la pression des studios a été plus forte.
Curieusement alors que la deuxième saison (après la révélation) semblait sabordée (puisque le mystère principal est –en apparence- résolu), elle apparait aujourd’hui aussi passionnante.
Les personnages sont connus : il se passe toujours une foule de choses et l histoire du meurtrier de Laura Palmer prend une nouvelle dimension presque universelle – l’histoire du mal contre le bien.
La fin de la deuxième saison est déroutante, Lynch n’a pas cédé aux pressions des studios.
Préparait-il déjà une troisième saison ou un film ?
Il apporte sa touche étrange mais on reste toujours bouche béante, abasourdi.
La fin est un peu noire.
Elle invite à une troisième saison dont on parle toujours, sans doute à tort.
Elle pose beaucoup de questions.
C’est comme ci, nos « amis » de cinéma étaient partis pour un long voyage.
Ça nous laisse un peu orphelin de cet univers somme toute attachant par beaucoup d’aspects.
Les gentils sont bien gentils et les méchants bien méchants, version Lynch la haine et la peur contre l’amour.
Dis comme ça, ça parait simpliste.
L amour ouvre la porte vers un monde de joie de lumière et de bonté.
La peur, la haine ouvre la porte vers un monde de haine de mort.
Ça fait un peu mystique mais chez Lynch / Frost tout est très cinématographique.
Peut être même que l’aspect visuel et l’ambiance les intéressent plus que le propos philosophique.
Twin Peaks est dérangeant car c est un monde violent qui nous est proposé par moment
Alors que la ville aspire à la simplicité et au bonheur.
Lynch est dérangeant dans sa façon de filmer avec beauté des choses assez violentes et cruelles.
On pourra lui pardonner sa noirceur au titre d’artiste.
Et aussi car la musique d Angelo Badalamenti, immerge mais soulage le film par sa présence douce et bienveillante.
La série est terminée.
Est ce que nous la reverrons un jour ? Sans doute oui.
Il nous reste le film qui est à lui seul un joyau.
Avec la fin de la série des questions restent sans réponse,
Ou plutôt, plusieurs hypothèses se proposent à nous.
Le bon Cooper est prisonnier dans la chambre rouge antichambre de la loge noire et la loge blanche.
Le double maléfique de Cooper lui est sorti.
Est ce que le bon Cooper parviendra à sortir pour éliminer son double ?
Est ce que BOB, l’esprit maléfique, qui s empare des âmes sera définitivement renvoyé dans son enveloppe terrestre : un hibou dans les bois ?
Est ce que Annie, la douce et lumineuse Annie, parviendra à conduire les agents Truman, Hawk et le major Briggs dans la chambre aux rideaux rouges pour fermer ou détruire à jamais cette ouverture vers le mal ?
Beaucoup de questions.
Car la fin de la série nous laisse sur du noir, comme elle avait commencé d’ailleurs.