2016 – 09 : Fedora de Billy Wilder

Fédora (1978) est un film de Billy Wilder qui bénéficie de toute la maturité et le savoir faire de son réalisateur. Même si c’est un drame, il contient de nombreuses scènes comiques et une histoire qui pourrait aussi être qualifiée de policière. Héritier de Sunset Boulevard , Fedora parle de cinéma, d’actrice et est amère sur le 7è art mais finalement il pourrait en être un de ses symboles. De la glycerine des artifices mais toujours une usine à rêves. William Holden ainsi que des acteurs cosmopolites sont excellents alors Fedora serait un chef d oeuvre si ne manquait pas la légèreté des autres films de Billy Wilder, Avanti ou La vie privée de Sherlock Holmes en tête.

Marthe Keller Fedora

2014 – 11 – Avanti ! de Billy Wilder

Avanti ! (1972)
Avanti ! (1972)

Avanti ! 1972

« Avanti !» est un film méconnu comparé aux autres films de Billy Wilder mais c’est un véritable joyau de la comédie. Comme toujours dans la comédie, il y a quelques grosses ficelles : un adultère et un cadre romantique (l’Italie en été). Mais Billy Wilder agrémente son histoire d’un duo improbable et de deux cadavres assez dérangeants et encombrants.  En ce sens Avanti ! est presque une comédie noire mais ni monocorde ni déprimante.

Un riche homme d’affaires américain coincé (Ambruster – Jack Lemmon) part en Italie pour récupérer le corps de son père décédé en vacances (en Italie : son lieu de villégiature préféré). Sur place, il découvre que son père n’est pas mort seul dans un accident mais avec sa maîtresse (une femme très différente de lui : simple, sans prétentions et sans argent). Il se retrouve si l’on peu dire avec deux corps sur les bras. Au même moment, il tombe nez à nez avec la fille de la maîtresse de son père qui elle aussi vient récupérer un corps et découvre que sa mère n’est pas morte seule.

Surpris, abasourdi, dégouté, Ambruster décidé à en « finir » rapidement va se heurter à l’administration italienne, les pompes funèbres, la mafia et cette fille qu’il prend pour une gourde mais qu’il va peu à peu connaitre et apprécier. Mais rapatrier les corps en cachant la vérité est plus compliqué que prévu.

Porté par ce duo improbable, un scénario malin et de truculents personnages (le directeur de l’hôtel, le croquemort, l’associés de Ambruster livrent  à eux seuls des scènes d’anthologie), le film est jouissif et nous emmène dans une histoire farfelue drôle et émouvante. L’Italie est magnifiquement filmée. Jack Lemmon dans le rôle d’un homme un peu coincé et Juliet Mills un peu fofolle, qui veut faire un régime en Italie (digne héritière de Marylin Monroe ou Shirley Mac Laine) se livrent à de savoureuses joutes verbales. On est dans la comédie dans ce qu’elle a de plus noble : travaillée, jouée avec brio.

Si le film n’est pas aussi connu que « Certains l’aiment chaud » c’est peut être parce cette comédie est d’abord une comédie noire, interprétée à l’ancienne et s’étirant sur plus de deux heures.

Jack Lemmon qui n’est plus un jeune premier mais homme mur est toujours savoureux dans ses rôles de benêt coincée mais qui va devoir sortir des conventions et montrer ses fesses ! Il est définitivement un acteur incontournable des films de Billy Wilder (il tournera encore « Front Page » (1974) et « Buddy Buddy » (1981)).

Si on aime Billy Wilder, on retrouve avec saveur un scénario ingénieux, des rebondissements, des gags permanents, des dialogues ciselés, l’Italie sous ses plus beaux atours (et clichés).

Sinon on découvrira une comédie réussie, un film qui montre qu’on peut trouver de la joie et du bonheur dans la simplicité.

« Avanti ! » est un film à redécouvrir ! avec un « ! ».

Avanti !
Avanti !

2014 – 08 : Chef d’oeuvre du film noir de Billy Wilder : Boulevard du crépuscule (1950)

Sunset Boulevard (Boulevard du crépuscule 1950)
Sunset Boulevard (Boulevard du crépuscule 1950)

Dans une piscine classieuse de Sunset Boulevard à Hollywood, on retrouve le cadavre d’un homme criblé de 3 balles. En voix off, on apprend que cet homme qui rêvait d’une belle piscine en a maintenant une mais il l’a payée cher. Avant l’arrivée des journalistes « people », voici la véritable version sur la mort de cet homme.  C’est un jeune auteur (Joe Gillis – William Holden) qui tente de survivre en écrivant sans grand succès des projets de film. Criblé de dettes, il essaye d’échapper à ses créanciers qui veulent saisir sa voiture. Lors d’une course poursuite, il crève et échappe à ses poursuivants en garant sa voiture inutilisable dans une énorme et lugubre baraque au 1086 Sunset Boulevard. En parcourant les lieux, il découvre une dame d’âge mur ancienne gloire du cinéma muet (Norma Desmond – Gloria Swenson)  et son majordome (Max von Mayerling – Erik Von Stroheim). Ces deux personnages étranges et sinistres pensent d’abord que c’est le croquemort qui vient pour mettre en bière un singe puis Norma apprend que Joe est un écrivain sans le sous. Elle décide de l’engager pour remettre en forme le scénario de son cœur et marquer son retour retentissant  au cinéma avec « Salomé ». Le scénario est mauvais et égocentrique et Norma ne cesse de regarder son image passée mais Joe a besoin d’argent. Peu à peu elle tombe amoureuse de lui et la maison devient une prison dorée. Joe se prostitue. Quand il parvient à s’échapper, il retourne aux studios « Paramount «  à Hollywood et tente de vendre ses scénarii. Sans grand succès sauf auprès d’une jeune et influente « lectrice » de scénario (Betty Schaefer – Nancy Olson), enthousiaste et ambitieuse qui voit dans Joe l’opportunité de se faire un nom. Elle lui propose de reprendre l’écriture d’un scénario. Presque chaque nuit, échappant à sa prison dorée et étouffante, Joe va retrouver Betty pour poursuivre son scénario. Elle tombe amoureuse de lui et lui a bien du mal à résister. Mais Norma est jalouse.

 

Comme Double Indemnity, Sunset Boulevard est noir et implacable. Son “héro” est un homme plutôt pauvre qui cherche à vivre mieux qui a besoin d’argent pour survivre. Comme Walter Neff, il choisit un mauvais chemin (Walter c’était le meurtre, lui la prostitution) et fait une mauvaise rencontre. On imagine toujours qu’il y a une porte de sortie, le « héro » garde une étincelle de moralité mais on est dans le drame et la tragédie. Comme dans « Assurance sur la mort » on connait les faits dès le début sauf que tout n’est qu’apparence. On est dans le cinéma sur un film parlant du cinéma. Le scénario est implacable, chargé d humour noir et d’absurde, critique acerbe du monde du cinéma, des trames avant qu’un film ne se réalise. Les actrices féminines sont magistrales et William Holden est pathétique et beau à la fois, Norma est grandiloquente, triste et décadente, Betty joyeuse et séduisante. Max  en majordome digne et mystérieux est magistral. Comme toujours chez Billy Wilder, les seconds rôles sont aussi étoffés et bons que les premiers. La voix off distille des pensées pertinentes, comiques et acerbes. Les dialogues sont justes. On n’est pas dans le cliché sur le cinéma (un monde que Billy Wilder croque avec lucidité et précision). On est dans le drame passionnel autant que le film noir. La photographie joue sur tous les codes du noir et blanc, le clair obscur (les visages de Norma), l’ombre (la route de Sunset Boulevard, la grande maison de Norma) et la lumière (Betty dans la fausse rue, Joe dans ses tenues d’apparat) n’ont jamais été aussi bien associés.  Il n’y a pas la nostalgie du cinéma muet ni la critique du cinéma en bloc. Hollywood est implacable pour les anciennes gloires qui ne sont plus à la lumière ou pour les artisans qui ne se font pas de nom.

David Lynch a rendu hommage à ce film avec « Mulholland drive » : Betty (Naomie Watts) rappelle la Betty et son sunset Boulevard sombre et mystérieux est le même que celui de Billy Wilder. La brune (Laura Harring) pourrait être la Norma qui va descendre aux enfers. Elle regarde son visage comme Norma et erre dans Sunset Boulevard sans plus savoir qui elle est. Il y a aussi « Gordon Cole » et « Norma Desmond » dont Lynch a remprunté le nom dans « Twin Peaks ». Dans une scène de Sunset Boulevard Betty dit devant un décor de rue de studio « j’aime cette rue, tout n’est que carton, décor, imitation, tout n’est qu’illusion mais j ai grandi avec ça ». Plus tard Lynch filmera la scène du « silencio » où tout n est qu’illusion.

Plus varié qu’assurance sur la mort si on doit trouver un mieux, Boulevard du crépuscule est devenu mythique, il n’a jamais été refait ou égalé (puisque ce genre n’existe plus vraiment) et unique car l’œil de Billy Wilder est unique. Par la suite, dans ses autres films, Billy Wilder va emprunter quelques codes du film noir mais sans jamais vraiment retourner dans un genre qu’il aura parcouru avec talent.

2014 – 08 : Chef d’œuvre du film noir de Billy Wilder : Assurance sur la mort (1944)

Commentaires et extraits

Assurance sur la mort (Double indemnity) est un chef d’oeuvre du film noir au scénario implacable au schéma narratif original (pour l’époque) : “tout” est connu dès le début mais pourtant le film tient toujours en haleine. Chef d’oeuvre intemporel.

Dans les années 40-50 à Hollywood, le film noir était un genre incontournable et tout jeune réalisateur devait y faire ses gammes.

Mais Billy Wilder qui est un réalisateur et scénariste d’exception, dans le genre “film noir” a dépassé le simple exercice de style et le film de commande, il a réalisé deux chefs d’œuvre (Assurance sur la mort et Sunset Boulevard), deux classiques du genre (dont certains réalisateurs se sont inspirés sans jamais les égaler).

Double Indemnity (Assurance Sur la mort 1944)
Double Indemnity (Assurance Sur la mort 1944)

Dans ce film, un célibataire d’une quarantaine d’année (Walter Neff – Fred Mac Murray) vend des assurances. Il est compétent et respecté de son supérieur (et presque ami Barton Keyes – Edward G Robinson) qui étudie chaque situation qu’il lui soumet avant chaque chaque contrat qu’il fait souscrire. Il vit modestement dans un petit appartement. Un jour, tandis qu’il démarche un homme âgé et propriétaire d’une luxueuse demeure, il rencontre sa fille (issue d’un premier mariage) puis sa femme (Phyllis Dietrichson – Barbara Stanwick) (deuxième mariage) dont il tombe amoureux

La première rencontre de Walter et Phyllis est un modèle du genre : la blonde (pas encore) fatale, le gars (pas tout à fait) honnête, la lumière et les dialogues ciselés.

Peu à peu, Walter tombe amoureux de Phyllis et commence une liaison avec cette femme (blonde séduisante et mystérieuse – Barbara Stanwick actrice par ailleurs droite excelle dans la séduction et le double jeu). Il leurs vient l’idée folle d’une escroquerie à l’assurance : faire souscrire une assurance vie au mari, provoquer un accident pour l’éliminer puis récupérer le double de cette assurance au moment du décès.

Le plan est minutieusement préparé à chaque occasion où les deux protagonistes se rencontrent.

Puis le plan est mis en œuvre. Mais pour cette escroquerie, l’assassinat est maquillé sous forme d’accident.

Chef d’œuvre du film noir, il le doit d’abord au scénario qui révèle toute l’histoire dès les premières minutes du film et qui le démonte le cliché de manière implacable. C’est un modèle du genre : il n’y a pas de cadavres inutiles (1 seul), pas de personnages secondaires fades et déjà vus, le « héros » n’en est pas vraiment un et la blonde est plus subtile qu’il est de coutume dans ce genre de film. La construction narrative mélange des scènes imparables avec des réflexions en voix off (marque de fabrique de Billy Wilder), cette voix off (celle de Neff l’anti héro) et les remarques du supérieur (remarquable Edward G Robinson) qui alterne humour et lucidité.

Les dialogues sont précis, ciselés, parfois drôles, longs (une autre des caractéristiques de Billy Wilder). Le suspense est maintenu jusqu’au bout alors qu’on (croit) connaitre la fin dès les premières minutes du film : Walter un des deux coupables est sur le point de mourir et on se demande toujours si son supérieur  va démêler cette histoire somme toute sordide, trouver l’autre coupable (Phyllis).

Il plane une ambiance sombre presque une tragédie à peine atténuée par de l’humour noir. La photographie est splendide. Le noir et blanc renforce le coté crépusculaire et la photographie s’attarde sur des visages et Walter et Phyllis d’abord passionnés puis froids puis dépassés par ce qu’ils ont provoqué ou celui de Barton (magnifique second rôle de Edward G Robinson) lors qu’il tourne autour de la vérité.

Le  film est implacable et tragique : sous prétexte d’aspirer à gagner un peu plus d’argent et de partir avec une femme, un homme bascule dans l’irréparable.

Scène de soupçons. On ne révélera pas le film qui reste splendide même en l’ayant déjà vu.

La narration de Assurance sur la mort deviendra un modèle pour plein de films (exemple : « l’impasse » de Brian de Palma).
A noter aussi qu’un remake de chef d’oeuvre est souvent dur à ingurgiter : en 1973 une version TV est tournée et est une déception : les acteurs du téléfilm sont peu connus et même si la narration reste (presque) la même plan pour plan, la magie n’opère pas (En partie à cause des dialogues de l’interprétation (fades) et du scénario plus classique que l’original). Peut être aussi à cause de la couleur : un comble pour un film noir.

Reste ce chef d’oeuvre original à revoir absolument.

C’est aussi un chef d’œuvre dans un genre en partie disparu (le film noir). Enchaînement implacable de l’histoire, des antis héros (qui font exploser les clichés de ce genre de personnage), des brillants seconds rôles (Barton et Lola)  et la voix off.

On peut revoir le film plusieurs fois sans se lasser et même en connaissant l’histoire parce que l’histoire est plus complexe qu’il n’y parait.

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2014 – 05 : Billy Wilder

Billy Wilder est un réalisateur et scénariste autrichien de nationalité américaine qui a vécu et tourné dans  beaucoup de continents. Bien que préférant l’écriture à la réalisation, il a beaucoup réalisé et est devenu  célèbre par (notamment) de nombreuses comédies (devenues des classiques) toujours « modernes », « irrévérencieuses ».

Son écriture se caractérise surtout par d’excellents dialogues, des personnages croqués et caricaturés, de l’humour et des scénarii très précis avec plein de rebondissements. Il a aussi réalisé deux chefs d’œuvre du film noir.

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