2007 – 07 – 07 – Taxi Driver – Part 3

Le trajet dura comme prévu : plus d’1H30.
Un trajet sinueux et obscur.
En d’autres circonstances, le parcours eut été qualifié de campagnard et montagnard.
Arrivé à Rieti, le barbu se planta pour trouver l’hôtel.
La boite à chiffre tournait.
Nous tournions également.
Malgré la pauvreté de la population à cette heure là, le barbu trouva un clanpin à qui il demanda son chemin.
L’hôtel apparut enfin sur une grande place majestueuse.
La boite à chiffre stoppa.
Nous également.
Coté faffiot, il me manquait maintenant une vingtaine d’euros.
Je proposais de tirer du carbure à un distributeur.
Pas possible d’extraire de la fraîche.
Finalement sans parler dans sa barbe, le chauffeur repartit avec un paquet d’oseil mais sans sa vingtaine d’euros supplémentaires.
Moi, j’avais ma facture : un papelard griffonné mais officiel.
Pour l’administratif, tout était en ordre.
Pour l’anecdote, j’étais en vrac.

Arrivé à l’hôtel, je me préparais à une entrée discrète.
Le genre ni vu ni connu.
Manque de pot, le portier me tomba sur le râble.
Pour l’entrée discrète, c’était raté.

Tout en anglais :
« je vous attendais plus tôt, le chauffeur a appelé, qu’est ce que s’est passé ? »
Sans me démonter, je lui expliquais l’aéroport, le chauffeur de taxi qui n’était pas là.
Le portier qui était très bavard, me dit qu’effectivement “son” chauffeur de taxi était en retard.
Il avait appelé aussi l’hôtel pour dire que je n’étais pas là.
Qu’il voulait aussi que sa course soit payée.
Que je devrais voir ça demain avec lui.
Ca c’est pour l’essentiel.
Coté détail, la discussion dura encore 20mn.
On aurait pu se dire que le “portier” de nuit était bavard parce qu’il n’y avait personne au guichet.
Le jour, c’était pareil.
Intarissable sur bien des sujets : la politique internationale avec le colonel de l’armée italienne ou le sport avec l’équipe américaine de soccer.

A près de 3H, j’étais enfin au pieu pour un repos bien mérité.

Le lendemain, le chauffeur de taxi qui devait aller me chercher la veille
était là.
Un minus dans une boite à savon italienne : une fiat de style panda mais visiblement pas capable de grimper aux arbres.
Je m’apprêtais à la discussion virile.
J’embrayais pour lui demander des explications.
Il ne parlait ni anglais, ni français.
Et moi pas italien.
Plus tard le minus revint à la charge en pleurnichant à l’hotel puis l’acceuil d’Alcatel.
J’appris qu’il voulait qu’Alcatel paya la course.
Le rondouillard en fiat repartit bredouille.

Frais rasé, gavé de fruits frais, de capucino et de croissants, j’arrivais fringuant au boulot.
Je devrais dire l’usine.
En arrivant dans les locaux, je fus accueilli par un grand chef : Giovani.
Comme de coutume, il empocha : ma main dans la sienne.
Toute en mettant son autre paluche sur mon épaule.
Certaines mauvaises langues prétendent qu’avec Gio, il faut recompter ses doigts après lui avoir donné la main.
Une autre langue de serpent affirme que ce qu’il donne d’une main, il le reprend de l’autre.
Bref j’étais tout de suite dans le beau bain.
A peine le temps d’enchaîner une politesse, il fallait déjà analyser un problème.
Mais je savais bien nager dans ces eaux là.
J’avais pris un bon petit déjeuner avec dans mon dos le portier qui me tenait la jambe.
Champion de l’anecdote, il savait aussi faire mousser le capucino.
Bien mangé mais peu dormi.
C’est avec le premier kawa : noir, minimal et délicieux que définitivement je fus en « mode on » pour toute la journée.
J’omettais de parler de l’anecdote de la veille.

Les flics italiens n’ont pas toujours le beau rôle sur la route.
Gio était fameux pour ses élucubrations soporifiques.
Il fallait aussi le voir en pilotage de Fiat : énergique.
Autant ses explications relevaient du discours interminable et pompeux,
autant sa conduite était directe.
Le summum : le voir faire les deux dans la même demi heure.
Resultat : fumée sur la route et dans les crânes.
A Vimmercate, j’ai eu l’honneur d’être ramené une fois à l’aéroport par Gio.
Entre mon conducteur de taxi malhonnête de Rieti et Gio, c’était comme choisir entre la peste et le choléra.
D’autres collègues eurent également l’honneur d’être véhiculés par Gio.
Harnaché dans une fiat neuve mais en toc, nous écoutions à l’arrière, Gio.
Qui partait sur une dissertation dont il avait le secret.
Tout en talonnant une bagnole de flic à 150.
Quand il lâchait le volant c’était pour étayer son discours.
Personne ne le relançait en lui posant une question.
Par contre lui relançait le poulet.
Gio faisait des grands gestes à la menu flicaille qui n’avançait pas et qui ne bronchait pas.
Sans doute normal.
A l’apogée de la démonstration, alors qu’il nous éclairait sur la gestion de réseau,
il aspergea les flics d’appels de phare.
Flics décidemment trop lents pour lui.

Quand il en y a pour deux il y en a pour trois.
Cette maxime extrêmement chaleureuse pour le voyageur fourbu transi qui se pointe
dans un havre de paix s’applique aussi à la circulation italienne.
3 de front sur une deux voies.
Ni une ni deux, Gio profita d’un deux sans trois pour se jouer de la volaille.

Mais revenons à Rieti.
Il y a de la solidarité entre collègues pour retourner à l’aéroport.
Deux collègues italiens qui prenaient un avion à peu près aux mêmes heures que moi,
se proposèrent de me prendre dans leur voiture de loc pour Rome.
Le trajet fut sans encombre.

A l’aéroport, les deux collègues n’eurent qu’un problème banal à régler avec l’agence de location.
Des flics leurs avaient dressé une contravention carla voiture de loc avaient de faux papiers !

2007 – 07 – 07 – Taxi Driver – Part 2

Cette première nuit italienne était chaude et moite comme une vieille mangue pourrie.
Rome Fumicino était dans le dos et je commençais à fumer.
A bouillonner même.
Mais intérieurement.
Sans vague.
Comme lorsqu’on jette des pâtes crues dans une eau frémissante.

Il n’y a que dans les films qu’un jeune homme prend en auto stop
un homme dont le passe temps est de trucider l’automobiliste.
Façon “Hitcher”.

Ce serait aussi une pure fiction que le minable à casquette,
dans le merdier de sa boite à gants, planque un flingue.

Ayant quelques talents pour énerver l’abruti de base,
je pensais qu’il valait mieux me contenir pour ne pas agiter
la petite guouape.

Ceci dit, je n’allais pas passer la nuit dans ce faux taxi minable.

A 80 sur l’autoroute, on se trainait.
Ca défilait à gauche et à droite.
On quitta l’autoroute.
L’ambiance était gelée.

Il y avait un stade.
Des gens en sortaient.
On était dans une route sombre.
Sur le trottoir, il y avait des filles qui faisaient le tapin.
Ah elle était belle la soirée italienne.

Comme un vulgaire merlan,
je m’imaginais débarqué sur le trottoir.
Une première nuit perdu dans faune aquatique.
Au lieu d’intégrer un pieu recommandable.
Ca ferait bien dans les gazettes du lendemain.

Il était hors de question d’en rester là.
Calme mais déterminé, je haussais ma voix d’un ton en visant le gars.
“Return to the airport”.

Le gars bascula d’un coup en italien.
Mis à part le “Non e possible” et une foule de détails destinés à m’embrouiller,
Je comprenais surtout que le gars aller s’accrocher à son pigeon.

Ce qu’il y a de remarquable chez l’abruti, c’est sa constance.
Infatigable, endurant.

Bref dans une telle situation, à moins de peser deux fois plus lourd
et de balancer une grosse claque ou un bourre pif,
il n’y a que le pognon qui fasse réfléchir l’abruti.

Je me suis dit qu’il fallait lâcher un peu de flouz.
Je pris un billet que j’étalai sur le tableau de bord.
Avec 20 euros, le gars s’illumina.

Il recommença à discuter un peu pour négocier, l’essence, le déplacement.

Finalement il me dit “OK”.
En soupirant et en faisant mine d’être navré.

Tandis que le minable faisait demi tour à l’arrache,
je soufflais intérieurement.

On fila fissa à l’aéroport.

Mais le temps de revenir, il se passa encore une bonne demi heure.
On ne disait plus rien.
Je regardais l’heure.
Je me disais que je n’aurais peut être plus de taxi.
Ni d’hôtel.
Peu m’importait de passer la nuit dehors.
A 5 heures du mat, il y aurait bien un taxi pour rejoindre l’hôtel.

En arrivant à l’aéroport, je sortais de la guimbarde.
Le malveillant me prédisait une mauvaise nuit.
Il tentait encore sa chance de me récupérer.

J’étais déjà passé à autre chose.
J’avais le numéro de l’hôtel.
Il était tard pour appeler.
Pour leur dire quoi.

L’aéroport était maintenant fermé.
La file des taxis vide.
Je me ruais sur un groupe de personne, à la recherche d’autres taxis.

Et puis le coup de chance, un taxi arriva avec sa petite loupiotte.
Un Renault, un espèce d’utilitaire.
Son client descendit du taxi et paya la course.

J’accostais le chauffeur qui allait repartir.
C’était un barbu, l’air tranquille un peu fatigué.
C’était un vrai taxi driver cette fois.
Il ne cherchait pas à m’agripper.
Je lui demandais s’il pouvait m’emmener à Rieti.
Je lui proposais de le payer en liquide,
Une centaine d’euros.
J’avais l’argent.
Il vit les biffetons et accepta.

Il me fit passer à l’arrière, enclencha son débitteur.
Mis la radio.
J’étais maintenant tranquille.
J’appelais l’hôtel pour le dire que j’arrivais.
Le “portier” dit OK.
Sans plus.

Le barbu regarda son plan.
Sa conduite était tranquille.
Je commençais à me détendre.
Mais pas au point de m’assoupir.

2007 – 07 – 07 – Taxi Driver – Part 1

Quand on hèle un taxi, on n’est pas obligé de tomber sur un conducteur, tendance De Niro, timbré,
le crane rasé qui vous répond avec un flingue sur la tempe par un “You talked to Me !” rageur.

Plutôt que de se faire abattre, on peut se rabattre sur un conducteur civilisé.

Le genre accompagné sur le siège avant par le cleps qui lèche son os.
Tandis qu’au volant, son pépère refait le monde.
C’est qu’il en a vu monter du monde, le molosse.
Il en a vu monter des personnalités.
Grimper même.
Et pas qu’une.
De la haute, du collet monté.

Quand on ne sait pas, on s’abstient.
On laisse à ceux qui savent.
Place aux vrais chauffeurs.
Ah bas, la viande à pneu, l’amateur, le chauffeur du Dimanche.
Vive les rois de la route.
L’égal des gros cubes et des routiers.

Le chauffeur de taxi italien dédié à Alcatel Vimmercate est du genre petit.
Mais nerveux.
Dans sa luxueuse et imposante Mercedes, il a de l’allure et du style.
Quand il apparait, il salue avec classe, il s’efface, il place.
Puis disparait dans son siège ajustable, son cockpit.
Comme un nourrisson disparait dans son couffin.

L’homme est petit et vif.
Pas besoin de le pousser.
Sur la route, c’est lui qui pousse.
Son siège est souvent échauffé.
Comme lui.

Faut que ça dépote.
Les espèces dérivées du flémard, hésitant ou touriste n’ont pas beau rôle.
C’est que lui, il travaille.
Il va de l’avant.

Sa voiture est un second home.
Bois, cuir, parfum d’ambiance, volant moumoute.
Tout est de bon gout.
Au volant, il est décisif et efficace.
Téléphone de voiture d’une main, il prend ses rdv.
Portable de l’autre, il rassure son épouse.
Qu’elle ne s’inquiète pas, il a la situation en main.
Sans forcer, il tient son volant avec les genoux et un petit 160.

La nuit, il n’hésite pas à tailler un 200.
Faut le savoir.
Les habitués savent qu’avant une course avec lui, il faut éviter de manger trop lourd.
Pour ceux qui ne le connaissent pas, il n’y a plus qu’à s’accrocher à une poignée de porte.
Elle est solide.
Et utiliser le vide poche.

Ma première arrivée à Rieti a été marquée par une anecdote que j’ai du raconter 20 fois.
Rieti est à 1H30 de Rome.
Petite ville située près des montagnes.
On prend le temps de vivre et d’y accéder.
Le trajet pour s’y rendre ne s’invente pas.

Rieti, c’est une grande première pour moi et vu que je n’y vais pas pour faire le touriste,
je demande à ce qu’un taxi m’attende à l’arrivée de l’avion à Rome.
J’imagine le taxi genre officiel, recommandable avec la petite pancarte.
Le genre de celui de Vimmercate.
La course sera de 120 euros. Pas de surprise.
Après un vol sans histoire, je me dirige vers la sortie (uscita).
J’attends mon oiseau.
Je l’imagine comme son condisciple de Vimmercate.
Je ne suis pas le seul à poireauter.
Dans le vol, il y a pas mal “d’hommes d’affaire”.
A coté de moi des conducteurs accueillent les “hommes d’affaires”.
Un homme m’accoste. Physique moyen, 40/45 ans, casquette, velour gris, habitué.
Visiblement, il me “cherche”.
“Taxi” ?
Avec mon plus bel anglais et ma “naïveté”, je lui déballe
“Are you the taxi booked by Alcatel to go to Rieti ?”
Tout est dit.
Le petit gars avec sa moustache et sa casquette opine du chef.
Prend une partie de mes bagages
Et m’accompagne à l’extérieur.
Moi un peu surpris qu’il n’ait pas de pancarte avec lui.
Mais moins que sa voiture.
Une vieille alpha roméo.
Dans la file des taxis sous un lampadaire éteint.
entre deux taxi Mercedes.
Du genre de celle du chauffeur de Vimmercate.
Je me dis que c’est normal.
On réserve la Mercedes pour les plus importants que moi.
Un vague autocollant “taxi” est collé sous le pare brise.
Je m’attendais à mieux.
Je lui demande sa carte de taxi.
Il me montre une carte usée, mâchée mais une carte professionnelle.
La voiture sort du parking.
J’embraye la conversation sur la réservation.
Le minus a une casquette, une fine moustache et soutient la réservation.
La voiture ne m’inspire guère.
Pourrie.
Pas très propre.
Parfum d’ambiance douteux.
Ca ne sent pas bon.
Je vais aux infos.
Les conditions de réservation du taxi par Alcatel.
Le gars est évasif.
Je commence à flairer une embrouille.
Mes soupçons se confirment lorsque le malveillant s’arrête pour prendre de l’essence.
… et veut me faire payer le carburant.
Bravo, me voila embarqué avec un blaireau qui voit en moi un pigeon.
Ou une vache à lait.
Je refuse de go.
Je me fends d’un : “You are not the taxi booked by Alcatel !”.
Le renard à moustache (pas convainquant) “yes yes”.
Moi : “How many for the trip ?”.
Le gars “300 E”.
Moi (pardonnez la rudesse du style et les fautes) :
“It’s not the cost for this”.
Le gars “no capito”.
Lors du terminus, je termine par la phrase définitive
“Return to the Airport, please !” (avec le “please” qui m’arrache la tronche).