
“Premier” retour et première “renaissance”
En 1998, lorsque Steven Soderbergh annonce le tournage de son film “Hors d’atteinte”, il sort déjà à sa première période d’arrêt du cinéma (1 an – longue période pour le cinéaste boulimique).
Par la suite (dans les années 2000 puis dernièrement en 2013), il va réitérer son annonce d’arrêter le cinéma mais sans jamais cesser complètement ses activités.
Pourquoi ?
Peut être parce qu’il a été reconnu très (trop ?) jeune par la critique (le plus jeune palme d’or à Cannes avec Louis Malle) et le public comme l’ont été avant lui Orson Welles, Stanley Kubrick ou Alfred Hitchcock ?
Peut être parce qu’il a une très haute opinion de lui même et de son cinéma.
Peut être parce que le cinéma (son cinéma) est un art majeur ?
De mon point de vue, certainement des trois et aussi parce qu’il est plus artiste, artisan que faiseur de film dans une industrie qui réclame des succès avant des chefs d’œuvre.

(Ocean’s 13 – 2007 – Les “ocean’s” réussites commerciales de Soderbergh)
Soderbergh n’est pas Kubrick ou Welles mais …. Soderbergh
Soderbergh n’est pas Kubrick malgré des sujets forts (Erin Brockovich – 2000, Traffic – 2000), “son” image,”ses” couleurs (marquantes dans la série des “ocean”), ses montages caractéristiques et originaux (entremêlant présent passé futur dans la même scène et des “split screen” empruntés à De Palma ).
Il n’est pas Hitchcock malgré son gout des polars pleins de suspense (L’anglais – 1999, A fleur de Peau – 1995, Piégée – 2011, Effets Secondaires – 2013 ).
Il n’est pas Orson Welles malgré son talent précoce et des idées à foison.
Soderbergh a beaucoup mis en scène jusqu’à présent (jusqu’à 3 longs métrages par an) et sa filmographie est déjà longue (plus de 35 films en 25 ans de carrière).
En 1998, Soderbergh sort d’un échec commercial (A fleur de peau – 1995), d’un film expérimental (Schizopolis – 1996) et est entré d’une période de doute.
Quand il accepte un film de commande (encore un polar), il ne sait pas qu’il va renouer avec le succès, débuter une fructueuse collaboration et entamer une amitié avec Georges Clooney (pas encore la star internationale).
“Out of Sight”, première collaboration avec Georges Clooney.
“Out of Sight” est l’histoire simple d’une relation d’amour entre un braqueur de banque et une policière.
Jenifer Lopez malgré peu d’expérience est crédible et Clooney charmeur, séduisant émouvant, amusant, un aperçu de son talent. Par la suite, le coté charmeur, sensible, séducteur, trés épris et légèrement fragile sera développé dans les ocean’s 2001 – 2004 – 2007, The Good German – 2006 et leur chef d’oeuvre : Solaris – 2002.
Deux grandes scènes : la scène du coffre et la scène de “Gary et Celeste”.
L’histoire est classique presque banale mais a un certain charme. Son aspect léger et humoristique rappelle “la main au Collet” de Hitchcock) que vient gâcher certaines scènes de violence inutile (pourquoi faire exploser de la cervelle ?) alors qu’on est dans un polar “pour de faux”.
(Cary Grant, Grace Kelly : la main au collet – 1955)
Reste les scènes entre Clooney et Lopez (scène du coffre de la voiture, scène de la fausse “première” rencontre en “Gary et Celeste”, scène de l’ascenseur).
Soderberg est brillant quand il filme simplement ces scènes intimistes et Georges Clooney est incontestablement un grand acteur et l’héritier de cary Grant.
(Humphrey Bogart – Lauren Bacall – Le grand Sommeil – 1946)
On se souvient des joutes verbales entre Lauren Bacall et Humphrey Bogart dans le grand sommeil : l’histoire importait moins que leurs rencontres. Ici dans un registre plus moderne, ça fonctionne aussi bien.
(La scène du coffre)
1ère exemple dans la scène du coffre, tournée plusieurs fois (la version 2 existe dans le bonus DVD), Soderbergh filme les deux acteurs sous un seul plan de caméra avec une seule lumière : ils parlent de tout et de rien, de “Bonnie and Clyde”, ils ne se voient pas mais les émotions passent, le ton du film est établi et avec la crédibilité des acteurs principaux.
Deuxième exemple dans la scène de la fausse rencontre, Soderbergh monte dans la même scène des images du présent du passé du futur (une de ses figure de style préférée).

La caméra s’attarde sur les visages les mains les regards, les dialogues parlent d’un couple imaginaire : Gary et Celeste.

Sans ses deux scènes, l’histoire n’aurait pas été déstabilisée mais le film n’aurait pas fleurté avec l’excellence.
Que reste t’il en 2014 de “Out Of Sight” ?
Coté ambiance, “Out Of Sight” a une musique type des années 90-2000, exit (momentanément) le style mélancolique et économe de Cliff Martinez.
Le film a des imperfections de ton (comédie policière ou film noir ?) de la violence déplacée. Quoique peu original, le film vaut le détour pour voir les débuts de Clooney sous la caméra de Soderbergh, pour une poignée de belles scènes intimistes et un montage jamais ennuyeux.
“Out Of Sight” est aussi distrayant et amorce ses autres très bons films “grand public” (“L’anglais”, “Erin Brockovitch”) et ses futurs grands succès avec Clooney (Ocean 11,12 et 13 – 2001 – 2004 – 2007).

(Brad Pitt – Georges Clooney : Ocean’s 13 – 2007)

(Georges Clooney – Out Of Sight)